ESPAGNE

Nous introduisons un cycle de publications sur l’Espagne. Nicolas Klein, journaliste spécialiste de l’Espagne, nous propose le dossier suivant: « Vers un changement de modèle économique en Espagne ? – Quelques éléments pour poser un débat ».

Il est utile de souligner que Nicolas a rédigé ses réflexions ce mai 2018, soit avant les récents changements de gouvernement en Espagne, dont il ne peut logiquement pas tenir compte.

Rappelons que le gouvernement Rajoy a été forcé à démissionner suite à la condamnation de son parti populaire (PP) à l’issue d’un méga-procès. Il y est question de corruption pour avoir bénéficié de fonds obtenus illégalement…

M Rajoy laisse l’Espagne dans un état qu’illustrent, ci-dessous, les quelques données  fournies par le gouvernement français: https://www.tresor.economie.gouv.fr/Articles/2018/05/23/nouvelles-d-espagne-n%C2%BA8-23-mai-2018

  • Le déficit commercial espagnol se réduit légèrement sur le T1 2018 (-4 % g.a), pour atteindre 6,9 Md €.

  • Le taux de chômage s’inscrit en baisse au T1 2018 et s’établit à 16,3 % cvs (après 16,6 % au T4 2017).

  • Le prix du logement enregistre une hausse de 9,4 % en glissement annuel à la fin du premier trimestre 2018.

  • Le Gouvernement approuve le projet de loi transposant la nouvelle directive de distribution de polices d’assurances.

LHK

Espagne: Introduction à une série de publications sur sa situation économique. Nicolas Klein (juin 2018)

Depuis l’introduction des politiques d’austérité en mai 2010, la crise n’a fait que s’aggraver, éloignant la croissance économique espagnole de celles de la zone euro et générant ainsi une récession en W[6] »[7]. Le parallèle avec la décennie perdue (década perdida) latino-américaine, caractérisée dans les années 80 par une forte inflation, un emballement de la dette et une profonde dépression sociale, est tentant, même si le phénomène diffère en Espagne pour plusieurs raisons[8].

L’Espagne, pays touché de plein fouet par la crise Nicolas Klein// Extraits

L’institut européen des statistiques (Eurostat) expliquait pour sa part il y a peu que près de la moitié des travailleurs espagnols (49,4 % pour être précis) risquaient de passer sous le seuil de pauvreté de l’Union européenne (contre 38,4 % en France mais 70,8 % en Allemagne).

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À l’heure actuelle, 800 000 enfants vivent dans une famille sans source de revenu aucune, ainsi que l’indique l’organisation non gouvernementale Save the children.

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Le flux d’argent depuis la Banque centrale européenne était considérable, là où d’autres États (comme l’Allemagne) épargnaient massivement… Cet argent servait  à financer des projets d’infrastructures pharaoniques dont certains ont été de véritables éléphants blancs. Outre les grands complexes immobiliers parfois jamais occupés (comme le parc financé par Francisco Hernando à Seseña, en Castille-La Manche, au Sud de Madrid, ou le complexe Valdeluz de Yebes, à l’Est de la capitale), des aéroports (celui de Ciudad Real ou celui de Castellón de la Plana), des édifices publics (à l’instar de la Cité de la Justice de Madrid) et des installations sportives ou culturelles (comme la Cité des Arts et des Sciences de Valence, le circuit automobile Ricardo-Tormo à Cheste, etc.) sont sortis de terre sur les derniers publics, parfois en pure perte. Dans certains cas, les médias ont été jusqu’à parler de rutas del despilfarro (« itinéraires du gaspillage ») pour évoquer ces constructions flambant neuves qui ont encore bien du mal à être rentabilisées.

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Les nombreuses critiques adressées par les médias internationaux au modèle de développement espagnol et à la passivité des gouvernements étonnent une partie de la classe intellectuelle. Comment accepter que le gouvernement, qui a sauvé le système financier, ou du moins le secteur bancaire, soit l’année suivante « puni » par les marchés pour un endettement excessif lié en bonne partie à ce sauvetage ?