Les capitaux de retraite en danger. En cause, le marché du REPO, la surévaluation, taux négatifs, etc. LHK

Les capitaux des retraites sont le grand enjeu du moment de la bataille hégémonique que livre le marché global de la haute finance internationale. Or, les prestations qui lui permettent de rentabiliser leurs avoirs représentent sont toujours plus limitées, et l’existant affichent soit des prix surfaits, soit des risques réels, structurels et difficiles à mesurer.

https://www.bnnbloomberg.ca/investing/video/repo-blowup-fueled-by-big-banks-and-hedge-funds-bis~1849887

Une des composantes de ce système peut être considérée comme une arme de destruction massive. Il s’agit du REPO, contraction de  » « Sale and Repurchase Agreement ». Elle désigne une transaction dans laquelle deux parties s’entendent simultanément sur deux transactions : une vente de titres au comptant suivie d’un rachat à terme à une date et un prix convenus d’avance. Cette transaction est qualifiée de pension livrée (prise ou mise en pension) en Français.

Cette opération représente une prise de pension des titres par le prêteur de cash et une mise en pension des titres par le prêteur de titres.

Le titre adossé au repo est le collatéral de l’opération.

La cession temporaire de titres ou de créances s’accompagne d’un transfert réel de propriété. » ( définition Finmarkets).

Le marché du repo est un lieu de financement d’entités telles que des hedge funds. Ce marché a un immense besoin en liquidités.  Les pertes y sont colossales. Et les banques centrales en sont devenues les garantes. Une sorte d’assureur qui va protéger en permanence les gros acteurs (banques, assurances, hedge funds) au nom de la loi too big to fail, ou trop grande pour faire faillite. Nous pouvons supposons qu’avec pareille philosophie, les petits poissons auront le droit de disparaître.

Voir notre publication sur les chambres de compensation https://lilianeheldkhawam.com/2016/07/10/le-risque-de-faillite-systemique-de-leurozone-vient-de-ses-chambres-de-compensation-partie2-liliane-held-khawam/

Ce marché gigantissime a défailli le 17 septembre 2019 dans la zone américaine. On peut raisonnablement supposer que la crise de la Banque du Liban soit liée à ce phénomène. Celle-ci a éclaté au grand jour  quelques jours après l’intervention massive de la Fed sur le marché du repo/dollar.

September stress in dollar repo markets: passing or structural?

Et quand il y a une crise de liquidités, ça donne ceci:

https://i1.wp.com/www.crottaz-finance.ch/blog/wp-content/uploads/2019/12/ELUwJ0lWwAEAZiX.jpeg?ssl=1

https://www.bnnbloomberg.ca/investing/video/repo-blowup-fueled-by-big-banks-and-hedge-funds-bis~1849887

https://i1.wp.com/www.crottaz-finance.ch/blog/wp-content/uploads/2019/12/MW-HW284_Bianco_20191203143402_NS.jpg?ssl=1

Ce marché est un gouffre sans fond que tout détenteur de cash sensé voudra éviter.En ce moment, la FED doit gérer simultanément l’équivalent de plusieurs faillites du genre de LTCM, cas que nous avions étudié ici il y a quelques années.

https://lilianeheldkhawam.com/2016/05/09/le-casino-est-incapable-dapprendre-des-lecons-du-passe-liliane-held-khawam/

Nous comprenons que les caisses de pension diligentes et sérieuses voudront tout faire pour éviter ce genre de lieux. Sauf que, piégées entre autres par:

  • une arrivée massive d’investisseurs dans l’immobilier subventionné, boostée par les taux d’intérêts négatifs, https://lilianeheldkhawam.com/2019/04/15/depossession-la-financiarisation-de-limmobilier/
  • Des rendements négatifs pour des obligations d’Etats que le marché reconnaît comme saines,
  • un marché du genre du REPO structurellement vérolé, et pour cause les pratiques qui le soustendent auraient été condamnées il y encore quelques années.

Les caisses de pension n’ont plus guère de choix que d’y aller. La chose est d’autant plus perverse que les banques centrales mènent la politique nécessaire et suffisante pour les y pousser. Elles sont une pièce importante du rouage du marché mondial du REPO.

https://lilianeheldkhawam.com/2016/01/22/bns-au-coeur-de-la-finance-speculative-europeenne-inventaire-des-outils-financiers-winniedapooh/
https://lilianeheldkhawam.com/2017/11/09/la-politique-monetaire-de-la-bns-rejaillit-sur-le-systeme-bancaire-suisse-le-cas-de-la-bcv-vincent-held/
Foreign exchange reserves.PNG

Les réserves de change sont des actifs détenus en réserve par une banque centrale en devises étrangères. Ces réserves sont utilisées pour couvrir les engagements et influencer la politique monétaire. Il comprend tout argent étranger détenu par une banque centrale, telle que la Réserve fédérale américaine. (Investopedia) Dans le cas présent de la BNS, à chacun de se faire son opinion sur les risques que prend cet établissement en matière de taux de change et de défauts de paiement…

Voici un exemple qui nous est donné par la Banque nationale suisse, qui a brillé ces dernières années par sa stratégie mortifère au niveau national. Elle fut pour mémoire, une des premières à poser les taux négatifs, et mit en place un système qui empêche les caisses de pension de retirer leur juteux pactole des comptes courants, au mépris de la loi. Eh bien en cohérence avec ce qui précède, nous apprenions récemment que celle-ci « réagit face à la montée en puissance des acteurs non bancaires, notamment des assurances, dans certaines opérations financières. Dès le 1er janvier, ces sociétés n’auront plus l’obligation d’avoir des réserves minimales pour solliciter des pensions de titres, indique l’institut d’émission mardi.

Opérations limitées dans le temps, les pensions de titres permettent à la BNS d’approvisionner l’économie en liquidités. La banque centrale achète ainsi des titres à la société demanderesse, qui voit son compte de virement auprès de la BNS crédité en francs. »

https://www.bilan.ch/economie/la-bns-met-les-acteurs-non-bancaires-sur-un-pied-degalite?fbclid=IwAR3O37Fq54AiOjRMLRq123PAVsGWKeMoeKbG8vNhV1sP7bmiEPHvJPviMoU

Vous comprenez que la BNS lève les dernières mesures de prudence pour grappiller tout ce qu’elle peut pour rabattre les liquidités des caisses de pension (1000 milliards de CHF tout de même. Voir nos précédents articles). A rappeler que ladite BNS sert de cash manager au niveau internationale pour les opérations financières, y compris de REPO, en franc suisse.

Et enfin voici la taille du marché européen des REPO. Selon ICMA qui mène des enquêtes auprès de 58 institutions, celles-ci comptaient dans leurs livres des mises en pension et des prises en pension 7’739.0 milliards d’euros à fin 2018. C’est donc un volume arrêté à une date donnée et non le flus cumulé d’opérations annuelles.

ICMA repo survey
The repo market is pivotal to other financial markets, particularly those in bonds and derivatives. Despite its importance it is hard to obtain figures on the size of the European repo market and the ICMA survey is the only authoritative source of data its size and composition.

For the most recent survey a sample of financial institutions in Europe were asked for the value of their repo contracts that were still outstanding at close of business on a single day in June 2019. Replies were received from 55 offices of 51 financial groups, representing the majority of significant players in the European repo market. All institutions who participate in the survey automatically receive, in confidence, a list of their rankings in the various categories of the survey.

The results of this, the thirty-seventh semi-annual survey of the repo market in Europe set the baseline figure for market size at EUR 7,761 billion

Voici quelques chiffres extraits de  https://www.icmagroup.org/assets/documents/Market-Info/Repo-Market-Surveys/No-36-December-2018/ICMA-European-repo-market-survey-number-36-conducted-December-2018-040419.pdf

REPO chiffres.PNG

REPO courbe.PNG

A tout ce qui précède s’ajoute l’alerte lancée par Bruno Bertez:

« Alors que l’affrontement se poursuit sur le sujet des retraites, une solution est à éviter à tout prix…

Il serait criminel d’imposer la retraite par capitalisation aujourd’hui.

La capitalisation, c’est la mise en danger du capital des assurés à un moment où les titres représentatifs du capital – actions et obligations – sont très largement surévalués sur la base de tous les critères historiques connus.

Les titres obligataires sans risque ne rapportent rien. Le rendement nominal est soit zéro, soit négatif – ce qui signifie qu’en réel, hors inflation, il est largement négatif.

N’oublions pas qu’il faut aussi ajouter les frais de gestion.

Ainsi, en matière obligataire, capitaliser est impossible : on paie pour prêter son argent ! A terme, le capital placé n’est pas augmenté , il est amputé.

Et les actions ?

En la matière, tout est surévalué dans des proportions variables, certes, mais colossales.

Quand on vous dit que les actions sont à leur prix, on oublie l’essentiel, volontairement. L’affirmation complète devrait être: les actions sont à leur prix pour ne rien rapporter à horizon de 12 ans.

(…)

Pourquoi  est il devenu impossible de « capitaliser » d’accumuler?

Parce que depuis la crise de 2008 , crise  qui est une crise d’excès de dettes , pour faire tenir le système sans qu’il s’effondre, il a fallu faire en sorte que les taux d’intérêt baissent sans arrêt: sans la baisse des taux, les débiteurs n’auraient pas pu honorer leurs dettes; les créanciers auraient fait faillite, le système bancaire aurait sombré et les gouvernements super-endettés auraient été insolvables.

Parce que tout est surévalué par volonté politique, pour éviter l’effondrement du système. On a mis les taux de rendement à zéro ou moins que zéro pour éviter que la pyramide mondiale de 255 trillions de dettes ne s’effondre et aussi pour éviter que toutes les promesses comme les retraites ne grossissent.

Les actions américaines valent trois fois plus cher que ce qu’elles devraient valoir pour obtenir le rendement historique de 6%. Si l’on voulait envisager un rendement et un risque normaux, historique de 6% il faudrait que les indices chutent de 56% ! Les actions européennes sont dans une situation encore pire car la politique de taux de la BCE est encore plus délirante que celle de la Fed américaine.

Aux cours actuels, les actions ne rapporteront rien, dividendes réinvestis, avant 12 ans. Et entre temps, il y aura eu des accès de faiblesse comme en 2000 et 2007/2008/2009. Je vous rappelle que les baisses boursières de ces périodes ont été de plus de 50%; dont 83% pour le Nasdaq lors de la crise des Telcos.

Inciter à la capitalisation dans les conditions présentes est un vol, un hold-up. Cela ne servirait qu’à fournir un parachute boursier aux ultra-riches et aux financiers – l’équivalent de leur offrir un put, une option de vente.

Faire passer, inciter à la capitalisation équivaut à diriger les salariés vers l’abattoir financier .

Quant à l’immobilier, il ne rapporte plus rien en réel et sa valorisation fragile suppose une forte accélération de l’inflation et des revenus locatifs, ce qui est exclu sauf si les salaires dérapent fortement. Auquel cas le marché financier s’effondrerait. » Bruno Bertez

https://brunobertez.com/2019/12/13/un-mot-sur-les-retraites-labattoir-financier/

Lire aussi:

[MàJ] REPO, le marché financier de tous les dangers… Dossier

https://www.crottaz-finance.ch/blog/le-repo-nest-pas-de-tout-repos/

4 réflexions sur “Les capitaux de retraite en danger. En cause, le marché du REPO, la surévaluation, taux négatifs, etc. LHK

  1. Certes les actions sont trop chère et peuvent perdre beaucoup, mais une obligation non remboursée ou partiellement remboursée peut perdre aussi dans les 80 à 100 %. Car on sait tous que les dettes d’état ne seront pas remboursées, de même pour beaucoup d’autre dette. Après les compagnie peuvent aussi faire faillite, mais s’il on prends des compagnies « relativement sur » la perte est grande mais moindre qu’une dette non remboursée.

    De toute façon la question n’est pas là, car tout titre détenu dans une banque en faillite et à mon avis considéré comme perdu à 100%. De plus la monnaie étant valable que si les directeurs de la BNS le veulent bien comme vous l’avez évoqué dans ce blog (de plus avec durée de validité de 6 mois pour le retour des nouveau billets) on peut se douter de la sécurité dans cette classe d’actifs.

    En ce qui concerne les US, je persiste et signe que ceux-ci s’effondreront après les zones économiques majeurs EU et Asie. À mon avis, il y a encore beaucoup de gens préfère le $ aux euros, yuan,… En plus, d’avoir le privilège de payer du pétrole dans cette monnaie (assurée par l’armée US), fait que cet monnaie vaudra plus longtemps que l’euro ou le yuan (même si elle finira à valoir rien).

    Par contre, on sent arriver la prochaine crise à très grand pas et que la prochaine zone importante touchée sera probablement l’EU.

  2. Ceux qui ont misé sur la fin du dollar ont manifestement eu tort. Cette monnaie est en train de ruiner des pays entiers dépendants de l’importation et dont la monnaie nationale a été arrimée au dollar. Ceci n’empêche pas une mutation de la monnaie dominante et son intégration dans un panier de devises. Mais même là, le poids du dollar sera déterminant.
    Je ne vois pas la fin de l’euro, mais je me poserais la question sur l’avenir du yen ou du franc suisse….
    Le plus grave à mon sens est que les processus productifs (y c publics)de l’UE ont été largement phagocytés par la finance internationale, principalement anglosaxonne (cf Dépossession). Ils peuvent réduire emplois et salaires quand ils le désireront. Par cette perte de souveraineté et surtout d’autonomie (y c aliment, médicament, énergie,…), je considère que l’effondrement économique a déjà commencé. il est simplement encore camouflé par les grands travaux de génie civil et de densification de l’habitat. Attendez que ces 2 axes arrivent à leur terme pour constater les conséquences en direct: défaillance des Etats par les dettes, mais aussi défaillance des ménages!
    Il y a eu Dépossession à de multiples niveaux, dont celui de l’épargne, et ce quelque soit l’évolution des « marchés » (je démontre dans Coup d’Etat planétaire à quel point le « marché » n’en est pas un)…

  3. Désolée Jake, je n’avais pas vu que vous aviez changé d’article…
    Il est important de rappeler que le marché financier est global et non national ou régional. Il est global et dominé par les centres City-Wall Street. La place financière européenne et asiatique ne sont plus que leurs satellites.
    Dans la mesure où le leadership est clairement anglosaxon, nous pouvons effectivement supposer que leurs centres s’écrouleraient après les autres. Pourtant je ne peux en être sûre. Pourquoi? Parce que l’entité qui chapeaute le processus se nourrit aussi copieusement de l’économie et des finances des Etats qui les hébergent. Regardez dans quel état se trouvent leurs caisses de pension, services « publics », et autres niveaux d’endettement.
    Le marché des REPO, qui dysfonctionne de manière structurelle, est en train d’achever les contreparties planétaires de ce petit monde, à savoir ceux qui apportent les liquidités: principalement les banques locales via les banques centrales et les caisses de pension.

  4. @LHK
    Merci pour vos commentaires.

    À mon avis, les dissensions en Europe risque de détruire l’union et donc l’union monétaire (Euro). À moins que l’on aille dans une direction dictatorial répressives, je pense que les pays voudrons sortir de l’union. De plus un refus de consolidation des dettes et des problèmes bancaire rends vulnérable l’union. Un faiblesse est aussi duent par ses membres divisés par rapports aux autres. Bien sûr cela veut pas dire qu’il n’ait pas de renouvellement et un nouveau redémarrage, mais fondamentalement sans dictature répressive l’Europe ne tiendra pas (et si on arrive là, les dissensions entre nations de puissance similaire [même ordre de grandeur, l’Italie pas 10x plus petite que la France ou l’Allemagne,…] fera tendre à un problème de gouvernance à long terme. L’Europe contrairement à la Chine n’a pas été unifiée sur de longue période et probablement ne le sera pas sur de longues périodes)

    Selon moi une irremboursabilité des intérêts, ou une incapacité de faire rouler la dette d’un état conduis à la destruction de sa monnaie, car tout le monde veut se débarrasser des dettes qui génère une fuite de la monnaie, si celle-ci n’a pas de ressources et/ou d’avantages et/ou d’intérêt particulier. L’euro ne me semble pas particulièrement avantageux.

    Après quand je dis disparaître par la disparition d’une monnaie avec la réintroduction d’une autre. Ou une grande réforme sur celle-ci qui ne la rends plus comparable à celle d’antan. Qui elle sera probablement 100% digitale, car dans la tête des dirigeants, si cela n’a pas marcher c’est à cause des petits épargnants qui n’ont pas fournis 100% de leurs épargnes…

    Le franc suisse on peut le considérer déjà comme un panier monétaire de $ et d’euros. Dont la banque centrale n’a plus de prise dessus. Si pour vous le yen peut disparaître structurellement l’Europe qui suit le même chemin que le Japon (en tout cas pour l’instant), est a en plus avec d’autre inconvénient bien sûr avec un délais plus long que le Japon. Mais une crise politique pourrait faire que sa durée de vie soit moindre.

    À mon avis on va arriver à un système bi-monétaire avec un monnaie national pour les échanges internes et une monnaie international pour les échanges externes (panier de devise ou autre).

    Je suis parfaitement d’accord que l’effondrement à déjà commencé, on le voit clairement à partir des dates de 2000 puis accélération en 2008 (ou la vitesse de spoliation des classes moyennes se sont accélérés après ces dates)

    Pour la défaillance des ménages qui sont plus endettés que les états et aussi certaines entreprises « zombie ». C’est une triple faillite (États, entreprises, particuliers)
    Je partage aussi la même impression de ces cartons ou le Coyote marche sur le vide avant de tomber.

    Effectivement, on ne peut pas être sûr, mais si on peut simplifier le problème comme un modèle de Lotka–Volterra. Qui me parait pas stupide puisque c’est une sorte de système de prédation. De plus, si on prend exemple du Mexique des gens fortunés vivant dans des enclaves semblent un système « relativement » stable.

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