Les banques centrales peuvent-elles contrôler encore les mouvements des gros capitaux? LHK

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Vidéo de présentation de SIX group du RTGS, ou RBTR en français (ICI)

Il y a d’un côté ceux qui voient leurs fonds bloqués et de l’autre ceux qui bénéficient de privilèges illégaux pour sauver leurs capitaux.

Deux poids, deux mesures auxquels nous a habitué la finance globale.

Alors que depuis plusieurs semaines le libanais lambda ne peut plus tirer plus de 1000$ de sa banque pour cause de pénurie de dollars.

Alors que le contrôle sur la circulation des capitaux, spécialement sur les devises étrangères, empêche les capitaux de quitter le Liban.

Alors que Monsieur et Madame tout le monde ne peut plus disposer de ses cartes bancaires à l’étranger.

Alors que de solides rumeurs circulent depuis de nombreux jours que des sommes importantes de déposants auraient quitté le Liban malgré le contrôle des capitaux instauré par la banque centrale.

Un article vient semer le trouble dans le milieu bancaire beyrouthin. On y apprend que le propriétaire de la plus grosse banque commerciale du pays, en collaboration avec une figure de 1er plan du monde du business international, aurait (nous resterons ici avec le conditionnel) court-circuité de manière parfaitement illégale les directives de la Banque centrale interdisant le transfert de capitaux vers l’étranger.  Selon  le site en question, le patron de la Banque du Liban serait en conflit avec ces deux personnes et leur réclamerait le retour des capitaux.

https://www.lebnewsonline.com/archives/168246?fbclid=IwAR3hppDfpSHnuLx1CgW6pEX9HmTbrzSmKZpHRGg72ZKGKdqOdP-b2sWR-N8

Et la question se pose de savoir si une banque centrale a encore les moyens d’imposer ses directives à toutes les banques, et spécialement quand il s’agit des capitaux de gros établissements transnationaux.

Là une mise au point s’impose.

Les capitaux n’empruntent pas des moyens de transfert qui sont hors du contrôle d’une banque centrale. Cette dernière est responsable des plateformes de trafic de paiement qui relient les banques entre elles à travers les comptes que celles-ci détiennent auprès de la banque centrale. Sa mission lui attribue la gestion de la logistique qui régit l’ensemble des transferts. D’ailleurs, voici ce que nous pouvons lire sur le site de la Banque du Liban.

RTGS (Real Time Gross System)

Real Time Gross Settlement System (BDL-RTGS) offers a secure, reliable and real time method of payment that adheres to international standards. On July 9, 2012 and after two years of preparation and training conducted to the participants, BDL successfully launched the BDL-RTGS. Participation in the BDL RTGS is defined in Circular 127, thus including Banque Du Liban as a participant, Banks operating in Lebanon, financial institutions’ that have a current account at BDL, and the Central Securities Depositary – MIDCLEAR. Any transaction settled on the BDL-RTGS is final and irrevocable. Operationally, Fund Settlement Instructions are settled on a gross basis and in a real time manner provided that Participants have sufficient funds Participants can interact with the BDL-RTGS via two different networks.
BDL launched the automated Retail Payment & Clearing System (BDL-CLEAR) for Clearing Retail Payments, including Cheques, Direct debits, Cards transactions, in November 2013.
The Payment System for Government transactions (BDL-PayGov) is the third component of the National Payment System, which is an application that is intended to facilitate Government payments. Government Institutions will use PayGov to make and receive Payments in a secure and fast manner. Settlement of PayGov transactions takes place at BDL, as part of its mandate under the Code of Money and Credit. Government payments that are made, Via PayGov, are done with limited risk by ensuring that they are prefunded. Risks are also reduced due to the availability of payment information and statistics that enables Government institutions to make better decisions with regard to liquidity management. BDL aims to go Live with PayGov by June 2017. This will enable government institutions, including the Ministry Finance, and the banking sector to be engaged with an advanced infrastructure for Clearing & Settlement of Government Payments. BDL-PayGov is owned, operated, and overseen by BDL.
http://www.bdl.gov.lb/pages/index/7/280/Lebanon-National-Payment-System.html

Et voici ce que dit la Banque d’Angleterre du RTGS:

« We operate the real-time gross settlement (RTGS) service, infrastructure that holds accounts for banks, building societies and other institutions. The balances in these accounts can be used to move money in real time between these account holders. This delivers final and risk-free settlement.« 

Ceci confirme qu’en théorie les banques centrales devraient avoir un contrôle total sur la circulation des capitaux.

En Suisse, l’activité de la gestion de la plateforme du trafic de paiement a été délégué à deux sociétés anonymes, SIX group pour le franc suisse et SECB à Francfort pour l’euro, détenue par des banques et des tiers financiers. La question de savoir si la BNS a un contrôle absolu sur les transactions est posée.

Et alors qu’en est-il pour le Liban? En théorie, la responsabilité du RTGS incombe totalement à la BdL. Maintenant, si certaines banques disposent d’une connexion directe avec l’étranger sans relation avec la Banque du Liban, et que celles-ci peuvent transférer des sommes importantes en période de crise grave sans au minimum en avoir informé le banquier central, cela reviendrait à dire que celui-ci aurait perdu le contrôle des activités qui lui incombent…

Liliane Held-Khawam

 

2 réflexions sur “Les banques centrales peuvent-elles contrôler encore les mouvements des gros capitaux? LHK

  1. Merci pour cet article très intéressant que j’ignorais la possibilité d’outre-passer une banque centrale « normalement » souveraine ce qui n’est pas le cas en Suisse comme vous l’avez déjà montré. En faite c’est comme la Lehman Brother avec les gros clients qui sont parti avant tout les autres. Peut-être est-ce lié au faite que l’argent banque centrale n’est que marginalement utiles pour les banques pour faire leurs transactions.

    Dans ce cas c’est un problème car si la banque central ne contrôle plus la monnaie dès que l’événement se produit la perception des gens en la monnaie et dans le gouvernement s’effondre et conduit à l’hyperinflation. De plus le Liban doit subir les contrôles de capitaux qui sont synonyme d’exécution de l’économie pour rien (une double peine).

  2. Les banques centrales ne contrôlent plus le supranational. Je rappelle que les créateurs de monnaie, primary dealers) sont les grosses banques globales (cf Dépossession).
    (J’aime bien votre commentaire. Merci.)

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