La gauche française, pionnière de la dérégulation financière ? L’Obs, 2011

 

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Le président François Mitterrand et son ministre de l’économie et des finances Jacques Delors, le 29 mai 1983 à Williamsburg, au sommet du G7. (AFP)

« Régulation financière », « rigueur »…D’après un prof d’Harvard, ces enjeux présentés comme des défis pour les candidats de gauche, ont été, dans les années 80, au cœur de la politique de la gauche française. Par Patrick Fauconnier

Arnaud Montebourg, intervenant devant la rédaction du « Nouvel Observateur » mardi  6 septembre, et exposant son programme de « démondialisation« , a cité les travaux de Rawi Abdelal, professeur à Harvard, spécialiste de politique économique.

Ce chercheur très peu connu en France a écrit en 2005 un document de 130 pages titré « Le consensus de Paris, la France et les règles de la finance mondiale« , dans lequel il démontre que c’est la gauche française qui a agi avec le plus de ténacité, en Occident, « de façon paradoxale » en faveur de la dérégulation « libérale » des marchés financiers.

Le texte: le consensus de Paris Mitterrand, par Rawi Abdelal,

Des Français…

« A la fin de la décennie 80, écrit Abdelal,  les dispositions de l’Union Européenne et de l’OCDE, qui avaient ralenti le processus de mondialisation des marchés financiers, sont réécrites pour épouser une forme libérale. Grâce à ce changement, qui concernait  70 à 80 % des transactions de capitaux dans le monde, la mondialisation financière va progresser à grands pas dans le cadre de règles libérales (…) Cette évolution n’a pu se faire que grâce à l’intervention de trois personnages : Jacques Delors, en tant que président de la Commission européenne, Henri Chavranski,  président des mouvements de capitaux à l’OCDE de 1982 à 1994, et Michel Camdessus, président du FMI de 1987 à 2000 ( …) Sans eux, un consensus en faveur de la codification de la norme de la mobilité des capitaux aurait été inconcevable. Ces trois hommes ont beaucoup de points communs, mais il en est un qui saute aux yeux : ils sont Français. Voilà qui est tout à fait curieux car pendant plus de 30 ans la France, plus que tout autre pays, avait multiplié les obstacles à toute modification des textes en faveur de la mobilité des capitaux. »

Faisant remarquer que c’est François Mitterrand qui a nommé Camdessus gouverneur de la Banque de France, Abdelal parle de « paradoxe français d’autant  plus fort que Delors était une importante figure socialiste et que (…) les français n’y ont pas été forcés par les Etats Unis, au contraire ». Il poursuit : « c’est le ‘consensus de Paris‘ et non celui de Washington, qui est avant tout responsable de l’organisation financière mondiale telle que nous la connaissons aujourd’hui, c’est-à-dire centrée sur des économies donc les codes libéraux constituent le socle institutionnel de la mobilité des capitaux ».(…)

« plus le monde se globalise, plus il a besoin de règles »

« Entre 1983 et 1988 les français ont laissé faire l’internationalisation et lui ont même réservé bon accueil. En 1988 (réélection de F. Mitterrand, NDLR) , ils se sont lancés dans une nouvelle mission internationale. Des personnalités françaises (il cite Lamy en plus de Delors et Camdessus) ont alors joué un rôle de premier plan dans le mouvement pour rendre la mondialisation possible »

L’explication d’Abdelal est que les français se sont impliqués de la sorte dans le but non pas de déréguler, mais de maîtriser. Il cite Pascal Lamy qui dit, en 1999 : « l’approche française du problème de la libéralisation, c’est que si on libéralise, il faut organiser ». Cette façon de voir les choses est confirmée par un discours de Lionel Jospin, en 1999, devant  l’assemblée générale de l’Onu : « plus le monde se globalise, plus il a besoin de règles ». C’est pour contrer la vision américaine d’une « mondialisation incontrôlée » et « la domination écrasante des USA sur les marchés financiers »  que les français, « surtout de gauche » selon Abdelal, ont cherché à promouvoir une mondialisation encadrée . Il montre que cette ambition s’est heurtée à un mur au FMI, où les français ont échoué à modifier les règles.

« ils ont amené Mitterrand à choisir l’Europe et l’austérité »

Interviewé par l’agence Telos en octobre 2007, lors de la nomination de DSK à la tête du FMI juste apres la chute de Lehman Brothers, Abdelal observe que : « les fonctionnaires français ont emmené dans leurs bagages l’idée que la mondialisation pouvait être maîtrisée, ainsi que les instruments de cette maîtrise. Et pourtant, paradoxalement, en permettant aux organisations internationales de maîtriser la mondialisation, ils ont contribué à forger un monde plus libéral et plus mondialisé« .

Dans le cadre d’une analyse plus politique, il consacre plusieurs pages au tournant de 1983, au cours duquel Delors, alors ministre des Finances, Laurent Fabius, ministre du budget et Pierre Bérégovoy, ministre des Affaires sociales, ont convaincu François Mitterrand  d’accepter les contraintes du Système Monétaire Européen, qui a amorcé une politique de rigueur : « ils ont amené Mitterrand à choisir l’Europe et l’austérité ». Pour lui, c’est Camdessus qui a convaincu Fabius du danger qu’il y aurait à laisser flotter le Franc, et qui a ensuite « introduit de la pensée unique au FMI« .

« Une ambition de faire ses preuves sur le terrain même de l’opposition »

Selon lui, « Fabius, Bérégovoy et quelques autres avaient de bonnes raisons de se donner un programme libéral : se rallier à l’économie de marché permettait de se doter d’une identité politique attrayante, d’un profil « moderne », « compétent », qui tranchait avec l’image « archaïque » et excessivement idéologique d’un Chevènement ou d’un Marchais ».

Il poursuit : « L’ardeur de la gauche française à surpasser la droite ne se borna pas à la finance et s’étendit à tous les domaines de la politique économique. Le programme appliqué par Delors, Fabius, Beregovoy allait bien au-delà d’une suppression du dirigisme ». Il cite Serge Halimi, patron du « Monde Diplomatique », qui voit dans cette politique « une ambition de faire ses preuves sur le terrain même de l’opposition, ce qui se traduit par une politique encore plus brutale que celle de la droite quand il s’agit d’appliquer des politiques économiques orthodoxes« .

Patrick Fauconnier – Le Nouvel Observateur

https://www.nouvelobs.com/economie/20110916.OBS0537/la-gauche-francaise-pionniere-de-la-deregulation-financiere.html

9 réflexions sur “La gauche française, pionnière de la dérégulation financière ? L’Obs, 2011

  1. la décrépitude française a bien commencé grâce à (à cause de) mitterrand.(cf le désarmement des avions au Bourget en juin 1981)

  2. @Zelectron

    Faux. La décrépitude française a commencé bien avant dès la fin du mandat de Pompidou et n’a cessé ensuite de se poursuivre avec tous ses successeurs. Il y a eu deux coups de grâce décisifs :

    1) L’esclavage financier mis en place grâce à la fameuse loi de janvier 1973 et qui a été initiée par Pompidou, homme de Rothschild.

    https://www.amazon.fr/Enqu%C3%AAte-sur-loi-janvier-1973/dp/2914569602

    https://www.youtube.com/watch?v=zJ0cUho_VWM

    2) L’esclavage par la démographie avec le plan d’islamisation signé en 1975 entre les pays de l’OPEP et les dirigeants européens. Et donc par la France dont l’endive centriste Giscard était alors le président.

    https://www.youtube.com/watch?v=M0h_82wLK20

    https://www.isesco.org.ma/fr/wp-content/uploads/sites/2/2015/05/Strat%c3%a9gieExtVFLR1.pdf

    Selon une étude honnête faite en 2008, l’immigration coutait déjà aux contribuables français environ 30 milliards d’euros par an.

    http://www.contribuables.org/2010/03/retrouvez-les-etudes-sur-le-cout-de-la-politique-migratoire-de-la-france-sur-le-site-www-le-cout-de-la-politique-migratoire-fr/

    Le « Après moi la chienlit » du Général fut prophétique.

    En France, on fustige souvent la gauche, à raison d’ailleurs, mais on oublie aussiile cynisme de la droite et que c’est aussi elle qui a gouverné le plus longtemps.

    Avec les deux cas pré-cités ci-dessus qui ne sont pas des moindres, je rappelle qu’elle nous a également vendus à l’Union Européenne par l’intermédiaire de Sarkozy malgré le referendum et qu’aujourd’hui avec Macron, elle est en train de terminer le massacre. Car c’est bien une politique libérale de droite que Macron est en train d’appliquer, non ? Le Fillon avait d’ailleurs déjà annoncé la couleur avant les élections et s’est fait grillé comme un bleu puisque la finance avait son propre poulain à imposer. Mais les méthodes n’étaient pas différentes. A croire qu’il avait déjà écrit le programme de Macron….

  3. Merci Liliane d’avoir publié cet article super intéressant. D’ailleurs beaucoup disent que Mitterrand était en fait un homme de droite qui a choisi de percer chez les socialistes car il n’avait aucune chance dans la droite française. Il était également très bien vu par la Maison Blanche et avait donné des gages de bonne foi aux américains avant son arrivée à l’Elysée (voir le livre de Vincent Nouzille « Les dossiers de la CIA sur la France 1981-2010 Dans le secret des présidents »).

    Quant à la dérégulation, il y en a une autre assez méconnue et dans un autre domaine. On la doit à François Hollande et elle a permis d’engraisser le lobby pharmaceutique américain sur le dos des français mais aussi de leur santé. Un véritable scandale dont malheureusement personne ne parle….

    http://pharmanalyses.fr/distribution-du-medicament-la-dereglementation-est-en-marche/

  4. @Literato,
    Nous parlons plutôt de la gauche,
    [je suis obligé de préciser cependant : si Pompidou n’avait pas prit cette mesure, nous aurions essuyé 2 ou 3 dévaluations (vous savez: de la monnaie de singe fabriquée par les états]
    En revanche, tout à fait d’accord avec vous en ce qui concerne Hollande-le-dérégulé et l’exemple de la pharma.

  5. @Zelectron

    Mais oui mais bien sûr. Celle là on nous la ressert à chaque fois car c’est la seule parade que vous ayez trouvée. Sauf que vos soit disant dévaluations seraient loin de se monter à :

    http://www.dettepublique.fr/

    On se demande comment la France a pu exister avant l’arrivée de la Loi Rothschild. Il n’y a qu’à voir ce qu’elle fut et ce qu’elle est devenue depuis qu’on lui a mis le fil à la patte !

    De toutes façons dès la création de la Banque de France, les dés étaient pipés et c’est là que l’on se rend mieux compte à quel point la gouvernance française a toujours abusé la population.

    https://www.youtube.com/watch?v=6jIrpNCzA-s

    La gauche et la droite en France, ou même le centre gauche et centre droit sont exactement les mêmes gens qui font semblant de s’étriper devant l’assemblée nationale alors qu’ils vivent ensemble.

    https://www.youtube.com/watch?v=W1Y5ypZ4wp0

    Mais qui est encore le maître d’oeuvre derrière tout cela ? Qui détient et contrôle la majeure partie des banques centrales dans le monde dont la Banque de France ?

    Oncle Picsou !

    https://www.youtube.com/watch?v=Z28CNdgUu_0

    Allez, un peu d’humour car cela ne fait jamais de mal….

    .

  6. @Zelectron

    « Vous savez: de la monnaie de singe fabriquée par les états »

    Ah ! Ah ! Ah ! Qu’est ce que vous croyez qu’a fait Mario Draghi à la BCE ? Voyons, soyez sérieux !

    Et s’il n’y avait que lui….

    « Martin Prescott: “cette information est sortie uniquement sur CNBC. On apprend que la Fed a augmenté son bilan de 267 milliards de dollars dans les 2 derniers mois. La Fed fait tout simplement de l’impression monétaire à raison de 130 milliards par mois et ce depuis les 2 derniers mois. » (Mars 2017)

    https://www.businessbourse.com/2017/03/31/la-bce-condamnee-a-faire-tourner-la-planche-a-billets-tant-quil-y-a-un-risque-percu-dexplosion-de-leuro/

    Aujourd’hui c’est Open Bar car on a une dette faramineuse plus votre fameuse monnaie de singe qui ne vaut rien et est adossée sur du vent.

  7. Petit détail : Mitterrand était jésuite …. Macron est jésuite. Et côté grande illusion la contrefaçon est parfaite.

  8. C’est sûr que les lobbies n’auraient pas une telle influence si Bruxelles ne leur était pas si accueillante. L’enregistrement officiel des lobbies au parlement (à l’américaine), l’autorisation pour les députés européens de multiplier les contrats privés pendant leurs mandats…

    Sous prétexte que la corruption se fait au grand jour on est censé trouver normal ?

    A l’issue de son voyage à Washington, Emmanuel Macron fait le signe du Cornu et appelle à l’Ordre Mondial du 21e siècle.
     https://exoportail.com/a-washington-emmanuel-macron-fais-le-signe-du-cornu-et-appelle-a-lordre-mondial-du-21e-siecle/amp/

    Quel entracte !

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