Santé: surveillance, contrôle et sanction. What else? Liliane Held-Khawam

 

Le médicament connecté (sur cette photo Abilify’s digital pill/NYT) permet de collecter les données sur les patients.

4 milliards de francs suisses seraient le coût généré annuellement par des patients « peu observants » atteints de maladies chroniques. 5% des coûts de la santé en Suisse (80 mia).
Ces chiffres sont issus d’une étude réalisée par l’association faîtière des assureurs SantéSuisse. Les patients en question ne prendraient pas les médicaments prescrits ou ne suivraient pas totalement ou de manière incomplète la thérapie qui leur est prescrite. Relayée par La Sonntags Zeitung, celle-ci « prend en exemple un banquier qui travaille jour et nuit pour suivre les marchés. Il souffre de diabète. mais n’a pas le temps de se soigner. Du coup, son état s’aggrave et il souffre d’un décollement de la rétine, ce qui implique un traitement plus coûteux » (RTS).
Cette étude a été sèchement commentée par des politiciens qui sanctionneraient bien ces mauvais patients, devenus pour le coup de mauvais citoyens pointés du doigt.
L’argument économique avancé tombe à pic. Les primes d’assurance (système privé en Suisse) ont -et continueront- explosé en Suisse. Sans issue visible. C’est dire que cet argument financier qui grève sévèrement le budget des foyers suisses est redoutable.La rhétorique l’est d’autant plus qu’elle divise d’emblée la population en pointant du doigt les mauvais patients.
Malaise.
S’ajoute à ce malaise le questionnement sur le comment du contrôle.  Comment peut-on contrôler la prise de médicaments des uns et des autres pour attribuer bons points et/ou sanctions?
La solution nous vient d’outre-Atlantique. Le 13 novembre 2017, la FDA, pour Food and Drug administration, a autorisé la mise sur le marché de Abilify MyCite, une pillule avec capteur-émetteur digital, qui informe  si le patient a ingéré ce qui lui a été prescrit par son médecin.

Voilà donc que le principe d’un médicament connecté pourrait s’inviter indirectement dans le débat suisse, en tant que solution au « Coût des patients qui ne coopèrent pas« . Un médicament qui émet des informations, que nos entreprises technologiques stockeraient avec, bien sûr, le dossier médical complété par les enquêtes suisses sur la santé… Le dossier serait ainsi complet.

Et les « meilleurs » pourraient-ils ainsi être récompensés? On pourrait même imaginer des primes en fonction de vos données et pourquoi pas de votre patrimoine génétique! Jusqu’où pourrait aller l’argument économique appliqué à la santé? Que feront ces dirigeants « hyper-rationnels » de leurs citoyens qui « péclotent »?

Evidemment que présenter comme cela, le sujet fâcherait. En revanche, parler des diabétiques, schizophrènes, des personnes âgées et autres médicodépendants est plus présentable en termes de marketing politique.

Tourner la lumière du projecteur vers la question économique et évacuer la question éthique pourrait être une stratégie de com pour vendre par petits bouts un eugénisme dit libéral, de plus en plus assumé!

Le débat éminemment éthique sur le rôle de l’Etat dans l’ingérence dans la vie privée et la santé du citoyen, la  vie intime, le libre-arbitre et autre approche métaphysique n’aura pas lieu. Parole de politiciens!

L’être humain, autrefois pleinement citoyen, est ramené à des chiffres, offerts par des lobbies de l’assurance, qui sont repris comme parole d’Evangile, alors qu’ils devraient être soumis à des études indépendantes du monde de la finance…. Une question de déontologie… Encore…

Nous aurions aimé par exemple pour être crédibles qu’ils évaluent l’ampleur de l’inconfort du patient et les coûts des réactions indésirables liées aux médicaments qui semble-t-il mobilise une part importante de l’activité des urgences!

La charge de l’attaque aurait été peut-être plus équilibrée…

Relevons en passant qu’au-delà des coûts et de  l’ingérence, nous sommes en présence d’une volonté de surveillance et de contrôle de la vie de l’être humain, avec un potentiel desiderata de « corriger » en retour les comportements socialement « déviants ».

Corriger les « déviances » comportementales nous renvoie à un monde qui a défini le comportement-type ou modèle d’un citoyen « normal ». Nous pouvons supposer que dans le cadre de la normalité, les traitements autres que ceux à haute rentabilité des big pharmas ne seront pas les bienvenus.

La réalité est qu’un système hyper-contrôlant, voire totalitaire, d’une ampleur jamais égalée est en train par la puissance d’outils technologiques de s’abattre sur l’humanité.

Au vu des intérêts des lobbies et de politiciens qui ont pris l’habitude de tout chiffrer même si tout n’est pas vérifiable, les libertés fondamentales ne font plus le poids…

Liliane Held-Khawam

ANNEXES

  1. SUISSE: Faut-il sanctionner les patients qui ne suivent pas leur traitement? RTS, Forum

https://www.rts.ch/2017/12/22/11/55/9124835.image/16×9/scale/width/624

2. First Digital Pill Approved to Worries About Biomedical ‘Big Brother’/ NEW YORK TIMES

A wearable sensor patch made by Proteus Digital Health is part of the Abilify digital pill study. Credit Proteus Digital Health

For the first time, the Food and Drug Administration has approved a digital pill — a medication embedded with a sensor that can tell doctors whether, and when, patients take their medicine.

The approval, announced late on Monday, marks a significant advance in the growing field of digital devices designed to monitor medicine-taking and to address the expensive, longstanding problem that millions of patients do not take drugs as prescribed.

Experts estimate that so-called nonadherence or noncompliance to medication costs about $100 billion a year, much of it because patients get sicker and need additional treatment or hospitalization.

“When patients don’t adhere to lifestyle or medications that are prescribed for them, there are really substantive consequences that are bad for the patient and very costly,” said Dr. William Shrank, chief medical officer of the health plan division at the University of Pittsburgh Medical Center.

Ameet Sarpatwari, an instructor in medicine at Harvard Medical School, said the digital pill “has the potential to improve public health,” especially for patients who want to take their medication but forget.

Patients who agree to take the digital medication, a version of the antipsychotic Abilify, can sign consent forms allowing their doctors and up to four other people, including family members, to receive electronic data showing the date and time pills are ingested.

A smartphone app will let them block recipients anytime they change their mind. Although voluntary, the technology is still likely to prompt questions about privacy and whether patients might feel pressure to take medication in a form their doctors can monitor.

Dr. Peter Kramer, a psychiatrist and the author of “Listening to Prozac,” raised concerns about “packaging a medication with a tattletale.”

While ethical for “a fully competent patient who wants to lash him or herself to the mast,” he said, “‘digital drug’ sounds like a potentially coercive tool.”

Other companies are developing digital medication technologies, including another ingestible sensor and visual recognition technology capable of confirming whether a patient has placed a pill on the tongue and has swallowed it.

Not all will need regulatory clearance, and some are already being used or tested in patients with heart problems, stroke, H.I.V., diabetes and other conditions.

Because digital tools require effort, like using an app or wearing a patch, some experts said they might be most welcomed by older people who want help remembering to take pills and by people taking finite courses of medication, especially for illnesses like tuberculosis, in which nurses often observe patients taking medicine.

The technology could potentially be used to monitor whether post-surgical patients took too much opioid medication or clinical trial participants correctly took drugs being tested.

Insurers might eventually give patients incentives to use them, like discounts on copayments, said Dr. Eric Topol, director of Scripps Translational Science Institute, adding that ethical issues could arise if the technology was “so much incentivized that it almost is like coercion.”

Another controversial use might be requiring digital medicine as a condition for parole or releasing patients committed to psychiatric facilities.

Abilify is an arguably unusual choice for the first sensor-embedded medicine. It is prescribed to people with schizophrenia, bipolar disorder and, in conjunction with an antidepressant, major depressive disorder.

Many patients with these conditions do not take medication regularly, often with severe consequences. But symptoms of schizophrenia and related disorders can include paranoia and delusions, so some doctors and patients wonder how widely digital Abilify will be accepted.

“Many of those patients don’t take meds because they don’t like side effects, or don’t think they have an illness, or because they become paranoid about the doctor or the doctor’s intentions,” said Dr. Paul Appelbaum, director of law, ethics and psychiatry at Columbia University’s psychiatry department.

“A system that will monitor their behavior and send signals out of their body and notify their doctor?” he added. “You would think that, whether in psychiatry or general medicine, drugs for almost any other condition would be a better place to start than a drug for schizophrenia.”

(lA SUITE ICI)

9 réflexions sur “Santé: surveillance, contrôle et sanction. What else? Liliane Held-Khawam

  1. «  »…Cette étude a été sèchement commentée par des politiciens qui sanctionneraient bien ces mauvais patients, devenus pour le coup de mauvais citoyens pointés du doigt… » »

    Et pour être en parfaite adéquation, il sera bien évidemment indispensable que lesdits politiciens soient vertueux sinon irréprochables .
    Inutile de se précipiter donc …

  2. @Lorsi

    http://www.entelekheia.fr/robert-kennedy-jr-y-a-zones-dombre-a-propos-vaccins/

    Les suspicions de toxicité dans certains vaccins agite la presse et les médias depuis quelques années déjà. Les amalgames aussi.

    En ce qui concerne la présence d’aluminium dans certains vaccins, propriété qui les rendrait toxiques, ne serait-il pas judicieux de se pencher sur le nombre de consommateurs qui utilisent quotidiennement des batteries de cuisine en aluminium dont l’usure a rongé les fonds. Bien évidemment que des molécules d’aluminium sont alors inévitablement ingérées.

    En avez-vous déjà entendu parler ?

  3. On y est déjà ..

    La dictature invisible du numérique » est le sous titre de « L’homme Nu ». Le texte ci après s’inspire du premier chapitre de ce livre. Pour en savoir plus sur Davos, allez vite chez votre libraire.
    – Allo, Giovanni Pizza ? –
    Non Monsieur, c’est Google Pizza.
    – Ah je me suis trompé de numéro ?
    – Non Monsieur, Google a racheté la pizzeria.
    – Ok, prenez ma commande donc
    – Bien Monsieur, vous prenez comme d’habitude ?
    – Comme d’habitude ? Mais vous me connaissez ?
    – Compte tenu de votre numéro de téléphone qui s’affiche ici, vous avez commandé ces 12 dernières fois une pizza 3 fromages avec supplément chorizo.
    – Ok, c’est exact….
    – Puis je vous suggérer de prendre cette fois la pizza avec fenouil, tomate et une salade ?
    – Non vraiment, j’ai horreur des légumes.
    – Mais votre cholestérol n’est pas brillant…
    – Comment vous le savez ?!
    – Par vos emails et historique Chrome, nous avons vos résultats de test sanguins de ces 7 dernières années.
    – Ok…mais je ne veux pas de cette pizza, je prends des médicaments pour traiter mon cholestérol.
    – Vous ne prenez pas votre traitement suffisamment régulièrement, l’achat de la dernière boîte de 30 comprimés habituels date d’il y a 4 mois à la pharmacie Robert au 2 rue Saint Martin.
    – J’en ai acheté d’autres depuis dans une autre pharmacie.
    – Cela n’est pas indiqué sur votre relevé de carte bancaire.
    – J’ai payé en espèces !
    – Mais cela n’est pas indiqué sur votre relevé de compte bancaire, aucun retrait en espèces.
    -J’ai d’autres sources de revenus ailleurs !
    – Cela ne figure pas sur votre dernière déclaration d’impôts, ou alors c’est que vous avez des revenus illégaux non déclarés ?
    – Bon, vous me livrez ma pizza ou bien je vais ailleurs ?
    – Certainement, monsieur, toujours àvotre service, nos remarques sont uniquement destinées à vous être agréable.
    – Pour quelle heure doit- on la livrer ?
    – Mon épouse revient de chez sa mère au Mans et rentre vers 19 heures. Disons 20 heures serait idéal.
    – Puis je me permettre une suggestion, avec votre accord bien sûr ?
    – Je vous écoute.
    – Votre épouse ne pourra sans doute pas être à 19 heures chez vous. Il est 18 heures et elle vient d’effectuer l’achat d’une Rolex dans une bijouterie de la Baule, il y a 6 minutes.
    – Comment êtes-vous au courant ?
    – Elle a effectué le paiement par carte sur son compte bancaire personnel numéroté en Suisse. Elle a d’ailleurs réglé sa note d’hôtel 4 étoiles, en chambre double pour 3 jours ainsi que des repas dans des restaurants étoilés pendant la même durée, toujours avec la même carte.
    – Puis je connaître la somme débitée ?
    – Non monsieur, nous respectons avant tout la vie privée des gens, nous n’avons pas le droit de dévoiler ce genre de renseignements.
    – ÇA SUFFIT ! J’en ai ras le cul de Google, Facebook, Twitter, … je me barre sur une ile déserte SANS internet, SANS téléphone et SURTOUT personne pour m’espionner !!!
    – Je comprends monsieur…mais vous devez donc refaire faire votre passeport dans ce cas car la date d’expiration est dépassée depuis 5 ans et 4 jours.

  4. Vu que le cerveau de la majorité de la population mondiale est un mode appli, cela est la suite logique…. Les moutons sont prêts pour l’abattoir

  5. Excellent Jdefelice ! Mais le pire là-dedans, c’est que toute un panoplie de gens vont volontairement dans ce guêpier et, en plus, y sont fiers ! Je vous jure, c’est d’un débile ! Tout ça pour ne pas devoir passer 10 secondes devant un guichet ou un automate.

  6. Bonjour !

    Les politiques suisses devraient commencer par enlever de la liste des traitements remboursés par l’assurance maladie tous ceux qui sont inefficaces, voire nocifs. En se référant aux publications scientifiques indépendantes et émanant de spécialistes comme Cochrane.

    Il y a là un potentiel d’économies extrême. Bien sûr ça ne plairait pas à leurs souteneurs et aucun parlementaire ou ministre de la santé ne lèvera le petit doigt. Même face aux évidences scientifiques publiées.

    Par contre pour nous rendre dépendants de big brother, ils se pressent au portillon.

    Ce sont des salauds et des inconscients, et notre devoir est de les chasser du pouvoir.
    Oui mon point de vue est extrême, mais il répond en miroir à un extrême foutage de gueule.

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