La BNS vend des euros et achète des dollars. Liliane Held-Khawam

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Entre la fin de l’année 2016 et la fin du 3ème trimestre 2017 (chiffres disponibles), les dirigeants de la BNS ont accru le volume des devises détenues par l’établissement de 65 milliards de francs environ. En 9 mois seulement….

BNS devises 2017

Selon eux, ces investissements se justifient par le franc suisse qui serait trop fort face à l’euro. Et pour l’affaiblir, il faut acheter de l’euro, mécanisme qui expliquerait la croissance du bilan.

Vous allez voir qu’une fois de plus  les chiffres, décidément bien têtus, ne reflètent pas leurs dires.

Le tableau qui synthétise les placements de devises de la BNS nous incite à nous intéresser non pas à une monnaie, mais à 2: l’euro et le dollar.  De plus, pour bien saisir l’ampleur des interventions, il faut travailler avec les chiffres en devises, et non en franc, afin de neutraliser l’effet des taux de change durant la période étudiée. Ainsi:

  • la colonne euro montre un volume qui passe de plus de 288 à 279 milliards. Par conséquent, la BNS a vendu pour la période indiquée 9 milliards d’euros!!!
  • la colonne dollar est passé de 228 à 271 milliards en quelques mois. Soit une croissance de près de 43 milliards de dollars! Une progression de près de 19%! La croissance  de 43 milliards de $ représente en gros 41 des 65 milliards de francs de suppléments en devises… (valeur 0.95)

L’action menée par la BNS passe principalement par la colonne des dollars.

La BNS ne mène donc pas la politique que l’on aurait imaginée. Non seulement, elle n’a pas acheté d’euros pour dévaluer le franc, mais elle en a vendus! Or, malgré ceci, l‘euro gagne un sacré terrain en 12 mois face au franc suisse! Face à ce constat, les messages répétés autour d’une politique de franc fort face à l’euro peuvent être assimilés à de la simple propagande, puisque non validés par les observations!

euro suisse franc janvier 2018

Cette dégringolade du franc face à l’euro est menée non par la BNS, mais par les acteurs du marché financier. Il en résulte un accroissement du volume-euro, mais seulement une fois traduit en franc suisse. Celui-ci passe,  de 309 à 320 milliards de francs, et ce malgré la vente des 9 milliards d’euros. Ces 11 milliards iront nourrir la caisse des bénéfices annoncés.

En revanche, côté dollar, malgré ses achats massifs de la monnaie de l’oncle Sam, celle-ci poursuit son trend baissier face au franc suisse, et ce malgré l’embellie, très utile sur le plan comptable, de fin d’année 2017.

dollar franc suisse

Du coup, les suppléments d’acquisition de dollars estimés à 41 milliards de francs dans la colonne dollar, ne représentent dans la colonne franc suisse que 32 milliards. Nous constatons donc que la détention de dollars génère des pertes sur le change…

En résumé, la politique d’achat de devises de la BNS ne corrobore pas son marketing à destination du grand public. Plus intéressant, elle ne semble pas avoir d’emprise directe sur la valeur du franc suisse….

Sa focalisation monétaire est américaine et dépasse les effets de com’ à destination du public suisse, qui la croit en train de dévaluer le franc face à l’euro.

Quant à ses investissements outre-Atlantique, avec ce volume fantastique de dollars, la BNS poursuit ses emplettes dans la bourse flamboyante de Wall Street, dont l’atterrissage sera, un jour ou l’autre, fracassant…

Dow Jones.PNG

Se souvenir aussi que  la BNS investit aussi dans les dettes publiques US -20.000 milliards de dollars-  qui ne pourront tout simplement être remboursées. Celles-ci trouvent, malgré tous les dangers, preneur en la personne des dirigeants de la BNS. Un pouvoir politique digne des plus grands gouvernements de la planète revient à une poignée de personnes... Tout irait bien, si les risques que l’équipe fait porter à la population entière n’était pas si inquiétant.

Voici une information pour illustrer le jeu dangereux joué par nos amis de la BNS:

« L‘agence de notation chinoise Dagong a dégradé mardi la note souveraine des Etats-Unis de A- à BBB+ avec perspective négative, en raison de la hausse de la dette publique américaine.

La dépendance croissante à un mode de développement économique fondé sur l‘endettement va continuer à miner la solvabilité du gouvernement fédéral américain, estime l‘agence de notation. » (Reuters, L’agence chinoise Dagong abaisse la note des Etats-Unis à BBB+)

Et de poursuivre “La solvabilité virtuelle du gouvernement fédéral deviendra vraisemblablement le détonateur de la prochaine crise financière”. Au fait, Dagong est l’agence de notation du principal créancier américain…

En conclusion, retenons que la BNS vend des euros, ce qui n’empêche pas la monnaie de prendre l’ascenseur face au franc. Sa stratégie d’investissements met l’accent sur les Etats-Unis. Ce faisant, la BNS cumule trois sources de risques majeurs sur ses devises en dollar américain: Le taux de change, le potentiel défaut de paiement sur les dettes publiques américaines, et la surestimation des valeurs boursières…

Liliane Held-Khawam

12 réflexions sur “La BNS vend des euros et achète des dollars. Liliane Held-Khawam

  1. Cela veut tout simplement dire que les dirigeants de la BNS sont sous les ordres des US et l’on sait comment ceux-ci aiment les Suisses. Ils devront trinquer tôt ou tard lors de la grande crise qui se profile de plus en plus, la dette américaine étant abyssale.

  2. Maintenant on connais qui achète le dollar après que la Chine a réduit les achats des $, la Belgique et la Suisse…..cela confirme la mafia bancaire international.

  3. c’est déplorable. Comment peut-on accepter cela ?
    et surtout comment parvenir à l’éviter ?

  4. @anonyme, ce serait relativement semple, par référendum éliminer la Société anonyme BNS qui n’a plus rien de national et qui a été imposé à la Suisse par le cartel mafia bancaire.

    (À la suite de son adhésion au FMI en 1992, la Suisse s’est vue contrainte d’abandonner la couverture or du franc suisse (jusqu’alors de 40 %) https://fr.wikipedia.org/wiki/Banque_nationale_suisse

    Avec la dérive future du Frs programmé.

  5. Merci Liliane pour cette analyse implacable. ça prouve que le dollar à un réel problème (peut-être des ventes chinoises ?) et ça confirme que la BNS est une succursale de la FED qui ment sur ses réelles intentions. Merci aussi de rappeler la dégradation de la dette US par l’agence chinoise. Personne ou presque n’en parle. C’est d’autant plus à prendre au sérieux que la Chine est repartie sur son modèle exportateur et accumule des excédents énormes face aux US…On peut s’attendre à des tensions entre ces 2 pays…

  6. J’ai regardé Jean, le total présenté pour la BNS concerne l’ensemble de ses monnaies (y c euros, dollar canadien, yen, etc.) exprimé en dollar.

  7. Je suppose qu’il n’imagine pas que pour la BNS l’euro est une devise comme le dollar. Il faut dire que la BNS est supposée avoir abandonné le franc suisse sur la plateforme T2S pour adopter l’euro… (une petite quarantaine de pays tout de même)…

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