Le déclin de la valeur travail. Michel Santi

Le travail: toujours une valeur? Et a-t-il encore de la valeur?

Le commerce et, d’une manière générale, les échanges transfrontaliers entre nations, ont considérablement amélioré nos conditions de vie. Mais, en fait, que ferait-on sans commerce ? En d’autres termes, s’il fallait tout réaliser soi-même sans faire appel à d’autres corps de métier, à d’autres entreprises et à d’autres nations dont la spécialité n’est guère disponible dans notre pays ?

Une expérience en ce sens fut menée par un étudiant, Andy George, qui tenta le coup de se confectionner un sandwich à partir de zéro, c’est-à-dire en fabriquant et en cultivant lui-même les ingrédients nécessaires. Visible sur You tube, cette entreprise dont l’essence même était de ne pas faire appel à une quelconque transaction commerciale dans l’élaboration du sandwich fut un supplice ! Andy George dut en effet faire lui-même son propre pain, cultiver ses légumes, fabriquer son fromage, tout en trichant un peu quand même puisqu’il utilisa des ustensiles de cuisine qui auraient dû également, selon cette logique, être créés dans le cadre d’une économie évoluant en autarcie. Le résultat de cette expérience fut éloquent puisqu’il lui fallut six mois et 1’500 dollars pour obtenir cette collation…alors que – de nos jours – quelques dollars et quelques minutes pour se rendre au supermarché suffisent pour se procurer un sandwich !

C’est donc précisément la liberté totale de commercer qui nous permet ce luxe, et bien d’autres. Dans le même ordre d’idées, une heure de travail produisait dix minutes de lumière artificielle en 1800, et 300 jours de lumière aujourd’hui. Un kilowatt d’électricité généré par cinq minutes de notre temps en 2017 nécessitait une heure entière de labeur en 1900. Un cheeseburger chez McDonald’s – qui exigeait 30 minutes de travail en 1950 – est désormais prêt en 3 minutes ! Nous l’avons compris : le développement et les progrès économiques permettent de réduire les délais de fabrication et de production des denrées nécessaires à notre vie quotidienne. C’est à l’aune de ce type d’évolutions que l’on mesure l’enrichissement de nos sociétés.

Ne nous affligeons donc surtout pas – s’il vous plaît ! – sur la disparition de certaines professions ni de la tombée en désuétude de certains métiers car les évolutions actuelles rayent précisément de la carte nombre de ces travaux qui autrefois asservissaient des pans entiers de travailleurs. Zola ne saurait effectivement plus quoi écrire aujourd’hui car les conditions de travail de 2017 – et a fortiori des années à venir – sont radicalement différentes. La notion de travail elle-même se retrouve aujourd’hui remise en question car une économie comme la nôtre basée principalement sur les services offre des horizons et des opportunités naguère insoupçonnables.

Accueillons donc avec allégresse et optimisme le déclin de nos emplois industriels d’antan car – à l’ère de la robotisation- ils appartiennent au passé, à ce passé qui exigeait sa ration de chair humaine – de «bête humaine» pour reprendre Zola. Ces gains de productivité spectaculaires profitent à l’ensemble de la société – aux riches mais aussi aux pauvres- par la courroie de transmission des prix en constant déclin. Ils autorisent en outre de précieux gains de temps, de ce temps qu’il nous est désormais possible de consacrer à des activités nous tenant à cœur. Enfin, ces gains de productivité économisent des ressources précieuses et pour notre planète et pour d’autres activités.

Mais allons encore plus loin dans le raisonnement car ce paradigme nouveau exige également une approche nouvelle de la notion même de travail. En effet, pourquoi rester fixé sur les statistiques des créations d’emploi à l’heure où le travail n’est plus forcément une fin en soi ? Si, de tous temps, il a évidemment fallu travailler pour vivre – et pour vivre mieux-, il semblerait bien que le chômage et que le travail humain ne soient plus, dans un avenir proche, appelés à rester une composante incontournable de la politique économique. L’humanité a aujourd’hui atteint un tel niveau de richesses. Les progrès nous autorisent un tel niveau de confort. Qu’il en devient indécent de s’attarder sur une notion de travail désormais ringardisée, et génératrice d’immobilisme. Acceptons cette destruction qui s’avère déjà créatrice et féconde.

Michel Santi

11 réflexions sur “Le déclin de la valeur travail. Michel Santi

  1. M.Santi raisonne comme un parfait rationaliste matérialiste. Tout d’abord, pour un chrétien, le travail pénible est un châtiment consécutif au péché originel, dont les riches se libèrent en profitant du travail des pauvres.
    Il semble ignorer totalement qu’une armée immense d’esclaves du travail – et je m’abstiens de nommer les pays – font la prospérité d’une petite partie de l’humanité. Il suffit de penser à la délocalisation des entreprises pour profiter de cette masse d’esclaves et provoquer chômage et précarité dans les pays privés ainsi de postes de travail. Il a pourtant sous les yeux la situation aux USA, en France, etc. Seuls les propriétaires des entreprises s’enrichissent et vivent dans un luxe ostentatoire.

  2. A ceci près que… l’énergie facile et à profusion est vouée, qu’on le veuille ou non, à s’amenuiser, voire disparaître???

  3. Quelle économie de service Michel Santi ? Certainement ce professeur n’est jamais été au chômage derrière son emploi dans la fonction publique.

    « L’humanité a aujourd’hui atteint un tel niveau de richesses. » Les trois millions de pauvres qui vont tous les jours à la soupe populaire en France vous remercie Michel Santi de votre optimisme.

  4. Michel Santi : « l’irrévérence est mon dogme ».

    Quand on sait que le « dogme » renvoie au principe incontestable d’une doctrine, ce qui par définition verrouille le débat, on comprend mieux le sentiment de frustration éprouvé par le lecteur après avoir parcouru cette chronique charpentée de ponts et de parallèles qui ne conduisent à rien, sinon oser camper Zola dans une paralysie intellectuelle supposée.

    Certains ne doutent de rien. Ou sont minéralisé par la « pensée complexe » pour ne pas devoir affronter la contradiction après avoir croisé trop de « gens qui réussissent et d’autres qui ne sont rien » ….

  5. Je partage la prévision de Michel Santi quant à un changement de monde mais j’y vois surtout la conséquence de la robotisation et des gains de productivité qui font que le travail va se raréfier alors que la population mondiale augmente. Je ne vois pas en revanche en quoi nous aurions atteint un niveau de confort indépassable et surtout qui ferait que l’homme renonce à vouloir mieux alors qu’il est par essence un éternel insatisfait.
    J’aurais aimé aussi que Michel Santi dise par quoi va être remplacé le monde « laborieux » en train de disparaitre et quels outils lui semblent pertinents à utiliser dans le nouveau monde (revenu universel… ?).

  6. Peut-être bien que Pssst008 aie raison, mais je pense au contraire que l’énergie, comme la forme du travail, se modifiera. Les énergies renouvelables, dont nous sommes aux balbutiements, seront de plus en plus présentes et elle ont une particularité, qui est celle de se renouveler. Quant à M. Mottet, je souscris entièrement à sa réponse.

  7. Quand on me parle de valeur-travail, je rigole doucement.
    « valeur-travail » est un de ces concepts nés dans les cerveaux de penseurs du conformisme.
    Le travail serait une valeur morale de la même façon qu’on devrait aimer son pays.
    Alors qu’on n’a pas choisi de naitre ici ou là, on n’a pas choisi la condition de prolétaire.
    Donc, ne nous encombrons pas de patriotisme ni d’amour du travail.
    Ce sont les adeptes du dividende et de la chaise longue qui parlent de « valeur-travail » comme d’un nouvel opium du peuple.
    Nous accorderons de l’importance au travail lorsque ce ne sera rien de plus qu’un moyen mis au service de l’humanité et non pas au profit de l’ultra-minoritaire classe capitaliste.

  8. Marsan,

    Je partage votre sentiment. Le concept « valeur-travail » est à l’humanisme et au sociétal ce que l’oeuf est au fipronil : un intrus.
    Cette notion tend à créer une nouvelle unité d’escroquerie, genre de projet qui n’existe que par les corruptions qu’il génère.

Laisser un commentaire