Que reste-t-il de la BNS? Liliane Held-Khawam

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Nous alertons sur ce blog depuis des années sur le fait que la BNS, qui a récupéré grâce à la « réforme » de 2003 une levée des restrictions sur sa politique monétaire, mène une stratégie complaisante vis-à-vis du marché financier, et plus précisément américain.

Nous avons osé affirmé que la BNS utilisait nos fonds de trafic de paiement pour gonfler de manière totalement illégitime (mais légalisée de fait)  son bilan. Ce faisant, elle mobilise les liquidités du pays pour mener sa politique court-termiste, qui s’approche plus de la liquidation du franc suisse et de la mise hors de portée des agents locaux des fonds disponibles pour les investissements et des dépôts bancaires (notamment les capitaux de la prévoyance professionnelle LPP).

C’est que le Casino est gourmand en liquidités… La spéculation via des opérations de Repos bat son plein en Suisse comme ailleurs… Voici le ratio des liquidités bancaires de la Suisse. A souligner que les liquidités ne signifient pas forcément de l’argent dormant, mais incluent des titres de bonne qualité réalisables assez vite.

liquid assets BNS.PNG

Nous avons aussi à de nombreuses reprises dénoncé le manque d’éthique au niveau des investissements. Le directoire de la BNS couvre des opérations d’investissement dans les armements y compris nucléaires et dans l’exploitation du gaz de schiste qui constituent non seulement une violation de ses propres directives, mais aussi une atteinte à la neutralité affichée de la Suisse.

Et voilà que dans une interview très intéressante,  l’ancien vice-président de la BNS défend les investissements de la BNS. Les informations qu’il nous donnent dévoilent le référentiel de gestion sur lequel se base cette entreprise bancaire et financière, devenue un mammouth du monde spéculatif. Nous constatons en gros que la BNS n’a plus grand chose en mains et que son impuissance, pour ne pas dire incompétence, ne peut plus être cachée. Le casino, pudiquement appelé « conseillers », a pris la main sur les investissements.

L’interview complète de M Jean-Pierre Danthine dans Forum: ICI

Nous relèverons plusieurs éléments de son entretien:

« La BNS ne dispose pas de mécanisme pour définir quelles entreprises devraient être exclues de ses investissements »

Eh bien, voilà une information de taille. Nous avons un établissement qui a réussi l’exploit de faire passer son bilan de quelques dizaines de milliards à plus de 700 milliards en l’espace de quelques années, défiant toutes les politiques nationales en matières de politique monétaire, économique et sociale, et qui n’a pas de mécanisme pour contrôler le choix de ses investissements!

Nos questions à ce genre d’assertion seraient:

  • Où sont localisés vos gestionnaires de portefeuille?
  • Sont-ils vos collaborateurs ou ceux d’entités tierces?
  • Si vous avez sous-traité la gestion des investissements, nous souhaiterions, en tant que contribuables- épargnants-garants en dernier ressort, connaître l’identité de ces entités?
  • Sont-elles chargées simultanément de la gestion des actifs des sociétés dans lesquelles vous investissez et qui par le plus grand des hasards produiraient par exemple des armes nucléaires (1,2 milliards au compteur)? Exemple: Le gestionnaire d’actifs sous-traitant de la BNS peut cumuler la gestion des actifs de la société d’armement dans laquelle la BNS investit….

« … elle ne choisit pas un secteur particulier »

Avec cette assertion, nous découvrons que la BNS s’est délestée de toute évaluation qualitative pour rabaisser son raisonnement à la question financière et spéculative exclusivement. Soutenir un secteur qui ferait avancer l’humanité telle que l’enseignement par exemple n’a pas plus d’importance que celui qui la détruit telle que l’exploitation du gaz de schiste. Tout se vaut, une fois les rubriques traduites en francs.

« Si on dit que ses investissements ont augmenté c’est probablement que ces entreprises ont pris de la valeur et que, automatiquement, la portion détenue par la BNS a aussi augmenté »

Ramener la croissance des investissements peu éthiques à un simple phénomène de valorisation des titres est insuffisant. La vérité est qu’à fin décembre 2016, le franc suisse était au plus bas (le dollar au plus haut sur le graphique). par conséquent, les investissements en dollar -comptabilisés en franc- ont pris de la valeur. La BNS a gagné sur l’effet de change pour ses investissements en dollars.

Nous avons déjà assisté à pareille embellie sur les devises la veille du bouclement des comptes, ce qui automatiquement engendre des bénéfices…. Voici pour l’année 2016. Effets et bénéfices comptables garantis.

dollar suisse franc

Pic la veille du bouclement comptable de la BNS pour l’exercice 2016

dollar swiss franc aout 2017

Voici 3 pics sur 3 ans qui interviennent aux alentours de la veille de fin d’année. Plus-value comptable sur les investissements en $ pour les exercices des années en cours…

A lire sur le sujet: https://lilianeheldkhawam.com/2016/01/06/bns-le-cadeau-de-la-saint-sylvestre-dont-on-vous-parlera-pas-liliane-held-khawam/

Par ailleurs, l’ONG PAX affirme comme conclusion du rapport “Worldwide Investments in Cluster Munitions; a shared responsibility”, que les investissements dans le secteur de l’armement ont crû durant l’année 2016, alors même que nombre d’investisseurs avaient décidé de se retirer de ce secteur…

Les banques suisses telles que UBS, Credit Suisse, Vontobel sont très bien classées dans le rapport de PAX… Ceci pourrait bien expliquer cela… https://www.swissinfo.ch/eng/controversial-weapons_credit-suisse-in-cluster-bomb-investors–hall-of-shame-/42231030

« Elle élimine les banques, elle élimine aussi les entreprises qui produisent des armes prohibées par la communauté internationale qui violent massivement les droits humains fondamentaux et qui causent des dommages à l’environnement. Mais elle n’est pas équipée pour décider quelles sont ces entreprises. Donc elle doit se confier à des sociétés de conseil qui décident lesquelles doivent être éliminées »

Qui sont donc ces ces sociétés de conseil? Des proches de la BNS sans nul doute.  UBS, omniprésente dans tout ce qui a trait aux processus bancaires et financiers suisses? Blackrock, société de management d’actifs dont le vice-patron monde n’est autre que l’ancien président du directoire de la BNS?

Nous savons sans savoir… La BNS se refuse à communiquer. Sujet tabou s’il en est…

« …ce ne sont pas les choix d’investissements de la banque qui doivent être remis en question, « car elle ne choisit pas » »

Quand une banque engage l’avenir de 8 millions de personnes tant au plan financier, économique que moral, dire que celle-ci  » ne choisit pas » est court. Trop court. Inacceptable même, voire dangereux pour l’avenir des générations futures!

« Mais celle-ci est une institution apolitique et technocratique, et n’a pas vocation d’être la première à implémenter des principes qui ne sont pas nécessairement partagés par une très grande majorité de la population »

Dire que l’entreprise qui est chargée de la politique monétaire est apolitique pose un gros problème. La BNS détient via la politique monétaire qu’elle est supposée gérer sans partage un pouvoir politique existentiel pour les huit millions d’habitants et pour l’ensemble des entreprises (spécialement les PME).

L’avenir de la déflation qu’elle se refuse à traiter et que la politique menée aggrave est un thème POLITIQUE.

Par ailleurs, quand la Suisse est le 6ème créancier de la dette publique américaine, il s’agit avant tout de la BNS qui détient ce privilège -qui revient normalement au gouvernement-, elle fait de facto de la politique et même de la politique au plus haut niveau planétaire! Un privilège qui aurait bien rendu service dans le cadre de négociations américano-suisses.

« La BNS mène une politique neutre » en matière d’investissement« 

Quand M Danthine dit que la politique menée est neutre. Il devrait préciser par rapport à qui. Oui les méthodes de travail choisies ou imposées par les partenaires imposent les indices des marchés comme référence absolue. Mais il s’agit d’une neutralité face aux ténors du marché financier global. Elle devient position politique partiale face aux 8 millions d’habitants qui n’ont que faire de la toute-puissance du marché financier.

Au vu de ce qui précède qui vient se cumuler avec les articles précédents, nous pourrions opter pour le mot soumission et non neutralité pour qualifier la politique d’investissements de la BNS.

Bref, la BNS veille jalousement sur son indépendance surfaite aux yeux de la Constitution qui la met, en réalité, sous contrôle de la Confédération! Le problème est que dans les coulisses la BNS semble avoir transféré cette autonomie à des tiers financiers euro-américains….

Notre question est la suivante: Que reste-t-il de la BNS derrière sa devanture bien gardée?

Liliane Held-Khawam

 

9 réflexions sur “Que reste-t-il de la BNS? Liliane Held-Khawam

  1. https://deutsche-wirtschafts-nachrichten.de/2017/08/26/die-ezb-sitzt-der-falle-das-wetterleuchten-eines-crashs/
    Markus Krall: The Draghi Crash.
    Excellente résumé du livre de Markus Krall: The Draghi Crash

    Mais ici l’histoire récente de la BNS
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    À la suite de son adhésion au FMI en 1992, la Suisse s’est vue contrainte d’abandonner la couverture or du franc suisse (jusqu’alors de 40 %), inscrite dans l’ancienne Constitution. Dans la pratique, cela ne se fit qu’après le règlement final des l’affaire des comptes en déshérence et la création du Fonds suisse en faveur des victimes de l’Holocauste, en 1997, auquel contribua la BNS6. Si l’on tient compte de la dévaluation du dollar, ce fut au plus bas historique de ce métal. Ce changement a été inclus dans la nouvelle Constitution entrée en vigueur le 1er janvier 2000, sans large débat politique. Les lois et les ordonnances qui lui sont subordonnées ont été également modifiées. S’appuyant sur cette décision, la BNS a commencé à vendre 1 300 tonnes d’or (1560 jusqu’en septembre 2007) qui, selon elle, n’étaient plus nécessaires comme réserve monétaire7. La recette devait être redistribuée aux cantons ou à une assurance sociale, comme le prônait l’Union démocratique du centre. Cette dernière proposition a été rejetée par le peuple.

    À la suite de la débâcle financière du groupe bancaire UBS, la BNS s’est procurée de l’argent à crédit auprès de la Banque centrale américaine, la Federal Reserve, pour laquelle elle devra payer des intérêts, lesquels sont fixés par les États-Unis. L’indépendance de décision dans la fixation du taux directeur de la BNS pourrait s’en trouver réduit9. La BNS a annoncé une perte de 21 milliards de francs sur les opérations de change en 2010.

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Banque_nationale_suisse
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    Combien d’argent la BSN à empruntée à la Federal Reserve ? La vraie raison quelle n’est plus indépendante……..jusqu’au prochain Crash qui va tous nous laminés.

  2. Oui. Ce que vous dites entre tout-à-fait dans ce que j’ai pu écrire précédemment. Il ne faut toutefois pas oublier l’éminent rôle que joue le groupe SIX. Il est LE sous-traitant opérationnel de la BNS … Il appartient avant tout à …UBS et CS… Et cela remonte aux années 90…

  3. Vous avez tout à fait raison Liliane, la manipulation d’éviter la faillite de l’ UBS était bien pour prendre le contrôle du système financier Suisse par la BNS pour participer activement au casino mondiale.

  4. Exact! Avez-vous le ratio de liquidité? Jetez un oeil sur n’importe quel bilan de vos banquiers préférés… Vous y retrouvez la concordance…
    La majeure partie de ces liquidités sont engagées dans des opérations de repos du Casino via le compte des virements des banques de la BNS…
    Arme de destruction massive garantie…

  5. Pingback: Blackrock, un pouvoir institutionnalisé. LHK. snbchf.com

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