L’argent des banques centrales finit dans les paradis fiscaux! Liliane Held-Khawam

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Nous savions que la crise avait laminé les finances des Etats, de l’économie publique et des familles. Jusque là rien de nouveau.

Mais en finance, quand quelqu’un perd, il y a en général quelqu’un d’autre qui gagne la même somme et peut-être plus. A moins qu’il ne s’agisse de billets physiques que l’on flambe, c’est comme ça.

Nous allons donc nous intéresser aux grands gagnants de la crise financière. S’il y en a plusieurs, voici un chiffre impressionnant qui vient d’être communiqué:

1,4 trillions de dollars de cash dorment à l’abri dans les paradis fiscaux (source Oxfam).

Et à  qui appartiennent donc ces océans de liquidités? Aux firmes transnationales américaines! A quoi servent-ils? A rien. Que paient-ils comme impôts? Rien. Est-ce légal? Oui. Est-ce immoral? Oui. Est-ce amoral? Oui.

paradis fiscaux 1

paradis fiscaux 2

paradis fiscaux 3

Vous constaterez que la palme revient à  Apple (181 milliards), General Electric (119mia) ou Microsoft (109mia).

Nous avions dès juin 2015 relayé l’information selon laquelle Apple nageait dans 194 milliards de cash qui lui posaient des soucis de gestion. (Les banquiers centraux enfantent les concurrents des Etats: l’exemple de Apple). Nous y avions aussi dénoncé l’exploitation d’enfants mineurs (- de 13 ans) et la cartellisation de leur système de rémunération avec leurs collègues du secteur…

Dans le cas de General Electric, le vice est poussé jusqu’à se faire restituer pour 28 milliards d’impôts.

Les liquidités générées par les banques centrales

Ces trillions d’argent dormant est le fruit des politiques monétaires des banquiers centraux. Toutes les politiques de QE et d’achats d’actions ont généré des torrents de cash.

Vous ne serez pas étonnés d’y trouver les entités dans lesquelles investissent vos banquiers centraux tels que Apple, Google, General Electric, IBM. Oui, c’est normal. Leur politique monétaire qui consiste à déverser des océans de liquidités dans le casino finissent là et jamais au grand jamais dans l’économie publique ou réelle.

Ils ne sont pas dans le circuit réel puisque celui-ci est asséché. Les patrons de PME/PMI, premiers employeurs locaux,  qui ont des commandes mais qui peinent au niveau de la trésorerie pourront rêver  encore longtemps de quelques  miettes de cette manne permanente.

Comment peut-on avoir autant d’argent?

Voici une possible explication. Le marché des actions est survitaminé. La capitalisation boursière est surfaite grâce aux programmes monétaires des banquiers centraux.

Prenons l’exemple du Dow Jones. Il était à 6’600 début 2009. Il est actuellement à … 17’493 points. Pas mal!

Il y a bien eu un petit coup de faiblesse à l’été 2011 mais l’accord de septembre entre les grandes banques centrales qui consistait à déverser des liquidités en échange de titres mal en point a aidé à booster le Casino américain. La crise des liquidités des banques européennes a eu du bon finalement.

Dow Jones mai 2016

Dates

Quel lien entre une capitalisation boursière flamboyante et les liquidités?

La capitalisation boursière équivaut à la valeur de l’ensemble des actions. Plus cette somme est élevée, plus la capacité d’endettement augmente.

Or, nous savons que les taux d’intérêt sont négatifs. Cela signifie que non seulement ces entreprises ne paient pas d’impôts dans leur pays, mais qu’elles sont payées pour bien vouloir s’endetter auprès des banques ou mieux directement auprès des banquiers centraux qui paient les taux négatifs.

Une croissance du casino grâce à l’endettement:

Grâce à ces crédits, les banquiers commerciaux créent la monnaie équivalente et croissent à leur tour.

L’endettement va augmenter le pot des produits dérivés hautement spéculatifs ainsi que le trop peu connu « marché repo », institutionnalisé de puis fin 2011. Source: BCE – Marché euro repo: améliorations dans la gestion des collatéraux et des liquidités(p.6)

Le casino poursuit son activité même si elle s’annonce funeste pour le reste de la population.

La déflation pour le reste de la planète

A côté de cette euphorie sous les cocotiers, voici la masse des populations qui compose l’humanité tout de même qui est laissée sur le carreau. Les emplois ont été confisquées, les retraites aussi et les dépôts bancaires ne manqueront pas de suivre.

Prenons l’exemple révoltant du peuple grec où les personnes âgées doivent financer avec la misère qui leur reste, et ce après avoir été spoliées à tous les niveaux (TVA augmentée, impôts revus, retraites réduites, patrimoine collectif privatisé à bon compte, etc)…

Bref, chômage et baisse de retraites généralisés viennent s’ajouter à l’assèchement des crédits aux PME et à ces trillions stockés de manière stérile dans les paradis fiscaux. C’est plus qu’il n’en faut pour créer une déflation et quand ceci dure une récession.

 Les banquiers centraux, la clé de voûte

Les banquiers centraux sont la clé de voûte d’un Système qui devient une hydre monstrueuse au fil des années.

Ils sont la courroie de transmission qui enrichit les uns et assèchent les autres.

C’est par des transferts de capitaux, appelés investissements directs, que les différences entre régions du monde devaient se réduire. Mais cette idée qui aurait pu être louable à la base se transforme en pillage de toute la planète.

En Suisse, où le processus d’investissement dans le monde avait démarré dans les années 90 par des flux de capitaux assumés par le secteur privé, s’est poursuivi à travers un financement massif mené par le secteur public (bleu foncé)!

financement du casino

Ci-dessous le tableau des investissements directs vers et depuis l’UE. Remarquez la place des Etats-Unis d’abord, grande gagnante du  processus et tout de suite après la place de la Suisse qui soutient le phénomène avec l’argent public mais qui  est bien en peine pour défendre sa position dans les négociations bilatérales…

https://i0.wp.com/lilianeheldkhawam.com/wp-content/uploads/2015/03/dc3a9tails-exports-imports-investissements-directs-ue-suisse.png?w=660&ssl=1

Et voici la répartition au sein de l’UE du poids des différents pays. Sans surprise….

https://lilianeheldkhawam.com/wp-content/uploads/2015/03/fdi-eu.png

Nos banquiers centraux sont tout à fait conscients de ce qui se passe puisqu’ils ont le détail de ces migrations financières. Ils font même dans leurs statistiques la différence entre l’investisseur immédiat  (Vert)ou ultime (rouge)... En voici un exemple qui concerne les investissements réalisés par des entreprises étrangères en Suisse:

Investissements directs en Suisse

Prenons l’exemple du Luxembourg , il est investisseur immédiat pour 188 milliards de francs, mais ultime pour 42mia.

Le Luxembourg et les Pays-Bas sont en tête des investisseurs immédiats en Suisse…. leur position change en tant qu’investisseurs ultimes…

Enfin, sans surprise les multinationales US sont les premiers investisseurs ultimes en Suisse.

Le citoyen est le garant final du casino

Les crises ont  permis l’accaparement de richesses illimitées par ces firmes transnationales.

Les banquiers centraux sont absolument au courant du comportement non citoyen de ces entreprises mais continuent de les soutenir avec les finances publiques sans aucune contrepartie morale ou éthique….

Encore plus grave est le fait que ces entreprises qui ont oublié toute forme de conscience humaine sont appelées à prendre le pouvoir politique en lieu et place de celui des Etats…

Si le processus devait se poursuivre, l’esclavage reviendra. C’est une certitude..

Liliane Held-Khawam

A lire également:

Annexe:  Phénomène similaire pour le S&P, autre indice américain.

S&P.PNG

On voit le plongeon de début 2009 et le coup de chaud au moment de la « crise des liquidités des banques européennes »

US corporations have $1.4tn hidden in tax havens, claims Oxfam report

US corporate giants such as Apple, Walmart and General Electric have stashed $1.4tn (£980bn) in tax havens, despite receiving trillions of dollars in taxpayer support, according to a report by anti-poverty charity Oxfam.

The sum, larger than the economic output of Russia, South Korea and Spain, is held in an “opaque and secretive network” of 1,608 subsidiaries based offshore, said Oxfam.

The charity’s analysis of the financial affairs of the 50 biggest US corporations comes amid intense scrutiny of tax havens following the leak of the Panama Papers.

And the charity said its report, entitled Broken at the Top was a further illustration of “massive systematic abuse” of the global tax system.

Technology giant Apple, the world’s second biggest company, topped Oxfam’s league table, with some $181bn held offshore in three subsidiaries. (Read more)

13 réflexions sur “L’argent des banques centrales finit dans les paradis fiscaux! Liliane Held-Khawam

  1. LHK, je ne comprends pas pourquoi le fait de ne pas importer en USA le gain annuel des multinationales et de se faire taxer 35% soit le résultat des banques mondiales, cela est très simpliste de la part de OXFAM, c’est un problème uniquement des US, mais qui est bien partagé par le gouvernement puisque c’est argent « dorment » attend seulement la bonne occasion d’avaler leur concurrents mondiale, cela est pour donner plus de pouvoir d’achat à leur multinationale avec l’approbation du gouvernement US. La puissance d’un pays est bien dans la force économique de leurs multinationale.
    La médaille a toujours deux faces, ce limiter à la première face porte toujours en erreur.

  2. Jean, avez-vous remarqué mes textes sur le phagocytage? Celui sur Alstom par exemple? Je ne peux tout traiter dans un seul article. Celui-là contient déjà trop de données….
    Ceci étant, nous ne sommes plus de mon point de vue à l’ère de la puissance de pays. En tout cas, dans ma référence de travail, je n’y suis plus. Je réfléchis en termes de puissances de firmes transnationales qui vont – c’est en fait déjà passablement le cas- prendre le pouvoir politique.
    Ces firmes se méfient certainement les unes des autres, elles accumulent des liquidités qui sont le nerf de la guerre financière actuelle.
    Les liquidités ont été centrales à chacune des crises récentes…
    Le rôle des banques centrales dans leur quête de pouvoir me semble central.

  3. Liliane, ce n’est pas longtemps que j’ai découvert votre blog, désolé si ma réponse n’est pas dans votre vision, mais j’apprécie votre analyse remarquable et toujours très intéressant à lire. Pour ce qui concerne votre dernier article, je ne suis pas sûr que les multinationales sont plus puissantes que les États, puisque les États ont encore la capacité de changer les lois rapidement. Le lobbying et la corruption qui sont liées, n’est pas toujours vainqueur, ce qui est bien vrai que les États sont la main dans la main avec les multinationales parce que les intérêts sont les mêmes, « bénéfice et place de travail ». Le problème arrive si les multinationales devenant un danger économique pour le pays comme la DB qui a 75 trillons de dollar de produit dérivé, qui est 20 fois le PB de l’Allemagne, si cela arrive en Suisse avec nos grandes banques il faudra suivre l’exemple de l’Islande qui a refusé de payer les créanciers. On parle toujours de la dette des États, mais on ne parle jamais de qui sont les créanciers, ce serait bien de savoir qui sont, pour avoir une meilleure vision du monde financier. Les banques sont-elles vraiment endetter, comme elles le font croire avec leur filiale dans les paradis fiscaux ?

  4. Jean, il y a bcp de thèmes dans votre commentaire.
    1. Qui constituent les Etats? Pas vous et moi en tout cas. Je vous donne 1 petit exemple tout frais de ce matin. http://www.challenges.fr/challenges-soir/20160524.CHA9601/ce-que-cache-l-etrange-depart-du-directeur-du-tresor.html
    2.- L’argent des paradis fiscaux de ces grands groupes peuvent être le fruit d’emprunts. Les liquidités sont le nerf de la guerre depuis plusieurs années.
    3.- Pourquoi mettent-ils cet argent dans les paradis fiscaux? Peut-être pcq ils n’ont plus confiance dans le système financier de certains pays et qu’ils ne veulent pas que ces liquidités servent à des bail-in…?
    4.- Que reste-t-il de la Suisse en tant qu’Etat? Avez-vous remarqué que la gestion des masses financières, de la monnaie, de la place financière, de la législation sur TOUT ce qui touche à la finance, de la mise en faillite,etc. échappent totalement à Berne et à sa démocratie. BNS et Finma décident de TOUT sans rendre DE comptes (rendent compte) aux élus?
    5.- Les banques ne sont peut-être pas si endettées mais comment le savoir? Qui les contrôle? Qui évalue le shadow banking dont ils ont la spécialité?
    Moi j’essaie de comprendre et je ne sais pas grand chose de ce qui se passe. Je suis pourtant arrivée à la conclusion il y a deux ans qu’un Etat transnational se constituait.
    En cherchant chez les anglosaxons, j’ai fini par tomber sur 1 prof de sociologie américain qui parlait dès les années 90 de la bourgeoisie transnationale!!! Bon je l’ai publié sur ce site.
    6.- Récemment je suis tombée sur un article du figaro qui interviewait S Péres et un autre de Harari, la référence de Zuckerberg. J’avais d’un coup la validation du processus que je reconstitue depuis 3-4 ans. Voici le dossier https://lilianeheldkhawam.wordpress.com/la-reorganisation-du-monde/
    Faites un tour aussi sur l’onglet sur la dissolution des Etats. L’argent n’est qu’un outil pour la mise en place de l’Etat transnational dirigé (ou co-dirigé?) par les multinationales.
    Intéressez-vous aux FTN ou TNC, vous verrez que beaucoup de stats mondiales se sont organisées autour.

  5. Liliane, merci de votre intéressante réponse, Mitterrand avait bien dit à son épouse Danielle que « ce n’est pas moi qui gouverne la France » dans le livre de ces mémoires qu’à écrit Danielle Mitterrand; cela justifie bien vos soupçons.

    Je vis en Asie et je vois ici, n’importe quel gouvernement dirige le pays, tous on l’idée fixe de l’ASEAN, avec la chaine de télé, publicité en bordure des routes, etc. La propagande identique de l’avant Europe, avec l’ASEAN on va tous devenir riches. Selon les livres de Pierre Hillard ce processus il la bien documenter avec des documents officiels, c’est bien depuis des siècles que ce processus mondialiste est en cours, au de la de ces idées politiques, la sérieuse recherche documentaliste que Hillard à fait, c’est qu’il n-y a plus aucun doute que ce « complot » est en marche avec l’histoire secrète de l’oligarchie. Que cela va aboutir ou pas cela est la bonne question, vous avez écrit  » l’argent est le nerf de la guerre pour les multinationales » cela laisse bien a pensé que la crise économique actuelle est rien d’autre qu’une manipulation pour nous tous faire devenir esclave de l’oligarchie, c’est sûr que si les Suisses et les autres pays démocratique ne se pose pas les bonnes questions cela sera inévitable, a moins que quelque chose que les oligarchies non pas prévus bloquera le processus et cela est encore plus inévitable sur 7 milliards d’individus.

  6. L’impondérable. Ce mot est la bête noire des pères des algorithmes et de leurs robots….

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  8. Bonjour,

    Ne bénéficiant pas encore de connaissances solides en économies/finance (j’essaye de m’améliorer en autodidacte et je suis content d’avoir découvert ce site à l’instant), j’aurais quelques petites questions à vous poser :

    – Qu’est-ce que le fait qu’autant de liquidités soient mises en dehors du circuit économique réel veut dire ? Que les banques centrales peuvent se permettre de faire des Q.E. à l’infini ? En effet si cette monnaie de singe est ensuite planquée dans les paradis fiscaux, cela ne veut-il pas dire qu’elle n’aura pas d’impact sur l’économie réelle ni la valeur des monnaies concernées tant qu’elle n’en sortira pas ?
    Dans ce cas, l’hypothèse du surgissement d’une grande crise économique et financière « incontrôlée » tout comme l’effondrement des monnaies de singe seraient donc une farce, car tout est sous contrôle de A à Z par les maîtres de la finance ??
    Tout n’est-il donc pas prêt à revenir à la normale de sitôt après une bonne crise, qui bien qu’elle serait certainement extrêmement violente, serait me semble-t-il économiquement salutaire à terme ?

    Sinon auriez-vous des ouvrages à me recommander qui me permettraient de saisir au mieux ces questions-là ? En effet pour un néophyte, et j’imagine même pour des connaisseurs, la compréhension de ces tours de passe passe est loin d’être aisée.

  9. Je regrette de ne pas avoir d’ouvrages à vous recommander. Cela ne signifie pas qu’il n’y en ait pas…
    Concernant les QE, je ne peux qu’échafauder des hypothèses. Je pense que le QE ne sera jamais illimité. Il correspond à légaliser une partie de la monnaie bancaire en achetant des titres dont les banques ne veulent plus. Les banques se débarrassent de leurs risques en les transférant aux banques centrales, celles-ci maintiennent les marchés à des niveaux artificiellement élevés, et les chambres de compensation regorgent de liquidités…. etc.
    Quant à cet argent qui est sous les cocotiers, il est à mon avis le fruit d’exonération fiscale, mais aussi de dettes contractées à taux négatifs. Il servira de coussin de sécurité en cas de coup dur.
    Il y a aussi le fait que le bail in ne risque pas de se faire dans ce genre de pays… Nous paierons le bail in ici.
    Enfin le marché n’est absolument pas libre, ce qui me fait dire qu’il n’y aura pas forcément un effondrement du casino…

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