La crise actuelle est aussi une histoire de trahison. Le cas Tsipras. Liliane Held-Khawam

Tout est à vendre en Europe. Le casino de la haute finance l’a décidé et les gouvernants l’exécutent. C’est une colonisation d’un genre nouveau qui se fait par une financiarisation systématique. L’exemple qui a choqué le net il y a quelques années était celui du patron de Nestlé qui remettait en question la gratuité de l’eau de la planète.


La finance fixe une valeur à tout. Cela va des diverses dettes aux semences des plantes en passant par la privatisation des services publics, le rachat des patrimoines nationaux, etc. Il n’a échappé à personne que la finance est en train d’asservir la planète.

Cette financiarisation va bon train même si les populations n’en veulent pas. C’est dans ce face-à-face que réside l’immense enjeu du moment. Le 20ème siècle avait apporté au citoyen Européen la protection par un Etat-Nation qui veillait entre autres sur ses libertés fondamentales, son droit à la vie privée, son droit à la propriété privée et sur les biens communs.

Il a donc fallu y aller au marteau-piqueur pour faire tomber cet Etat-Nation, ses représentants et les principes élémentaires de la démocratie. Nous avons tous compris que les outils de production, les emplois, les PME/PMI voire l’économie réelle dans son ensemble sont tributaires de la toute-puissance de ces firmes-Etats appelées transnationales. Elles détiennent les processus de production sur le plan mondial, la finance -et ses circuits mondiaux- et la technologie qui promet avec assurance, voire arrogance, l’immortalité.

EUROPE

Mais il existe aussi une stratégie toute en finesse qui s’intègre à toutes les étapes de cette mutation: la communication. Basée sur une connaissance approfondie à la fois historique, économique, géographique, psychologique, archétypale et linguistique de chaque région de la planète, elle offre un discours politique ciselé, adapté à la réalité locale du moment et crée un sentiment d’empathie. L’électeur qui se sent compris, croit alors aux remèdes proposés. Mais une fois les grands rendez-vous électoraux passés et que les solutions potentiellement valables ne sont pas appliquées, l’électeur n’a aucun moyen de se retourner contre celui qui l’a trompé.

Les Français sont  par exemple gouvernés par des élus dont le discours est de gauche mais les actions posées relèvent d’un ultralibéralisme hyper-contrôlant. Ils financiarisent le pays à la vitesse V tout en mettant en place un système de contrôle des citoyens impensable dans une démocratie il y a encore quelques années.

La communication est donc un outil stratégique utilisé avec brio par les gouvernants pour à la fois rassurer les électeurs et répondre à la demande des maîtres incontestables du moment : les firmes transnationales et leurs technocrates.

La réalité se dédouble ainsi entre un discours politique rassurant et empli d’humanité, et une réalité déshumanisée qui exclut toute démocratie dans les faits.

C’est dans ce décor de prise de pouvoir politique par la haute finance qu’éclate la tragédie grecque. Le peuple grec soumis à une pression économique et financière intense va découvrir la manipulation psychologique qui devient in fine trahison.

Janvier 2015, Alexis Tsipras patron d’une gauche dite radicale est nommé premier ministre en Grèce. Allié à des nationalistes M Tsipras devait défendre bec et ongles la Grèce contre l’austérité, l’accaparement par des firmes transnationales des richesses du pays tout en remettant en question une dette publique qualifiée d’injuste.

Il est le héros tant attendu y compris hors de Grèce. La communication, relayée par certains médias, va amplifier ses capacités, faisant croire à une personne fortement déterminée qui va révolutionner le monde de l’Union européenne, des banquiers, du FMI et consorts. Tout le monde voulait y croire. Et ce d’autant plus que le ras-le-bol des populations européennes face à la tyrannie des marchés financiers était généralisé et à son comble.

Une fois au pouvoir M Tsipras gesticule contre la légitimité des dettes publiques, la voracité des consortiums étrangers prêts à tout pour aller chercher les richesses naturelles dont regorge ce pays. Il y a bien eu aussi le moment où il a utilisé la remise de la dette allemande par les Grecs à l’issue de la 2ème guerre mondiale (effet psychologique garanti sur les Grecs mais aussi sur les Allemands). Les médias n’ont pas manqué d’en amplifier le phénomène Tsipras. Les peuples voisins de la Grèce, fortement échaudés par leurs propres gouvernants, observaient avec envie la très belle mise en scène.

C’est dans un contexte de grand espoir et même d’espérance que M Tsipras s’est révélé. Le programme qu’il a présenté fin juin est celui qu’il met en place aujourd’hui. Une financiarisation outrancière de tout ce que le pays compte de biens et de richesses nationales. Dans son programme, M Tsipras n’a pas demandé de remise des dettes publiques. Il s’est révélé digne des plus vertueux patrons de la Haute Finance internationale.

Pourtant entre le moment de la présentation à la Troïka de son projet et sa mise en place, M Tsipras a posé un référendum. On a expliqué à l’envi que M Tsipras demandait au peuple de le soutenir dans son refus des conditions de Bruxelles. Il avait besoin de laisser les principaux concernés se déterminer face à un engagement si lourd.

Pourtant et à sa grande surprise, le 5 juillet jour du référendum c’est un peuple Grec épuisé par un blocus financier et bombardé par toutes sortes de menaces de représailles qui a opté pour la résistance au côté de son héros. Une résistance forte soutenue et fêtée le dimanche 5 juillet au soir par des Grecs galvanisés. Leurs voisins européens n’ont rien raté du spectacle rêvant eux-aussi de libération de ce joug d’un nouveau genre.

Mais M Tsipras n’était pas en réalité le héros auquel faisaient croire les beaux discours. Dès le lendemain du référendum, les observateurs, qui n’avaient pas lu son programme clairement pro-système, ont compris que les convictions affichées de M Tsipras n’étaient que de la « com’ ». Un vulgaire programme électoral jamais suivi d’effets comme on en a tellement vu. Force est de constater que quels que soient les candidats et leurs argumentaires électoraux, ils mettent  invariablement en place les désidératas de la Haute finance internationale après les élections.

C’est ainsi que le référendum tout comme le programme électoral de M Tsipras n’était que du bluff, portant atteinte aux fondements de la démocratie.

C’est donc sans grande surprise que M Tsipras a fait passer la dette publique à 200% du PIB du pays. Les mesures qui accompagnent cet accroissement de la dette sont mortifères pour le PIB à venir. Tout y passe : TVA, retraites, impôts etc. A tout ceci s’ajoute la vente du patrimoine public dont les revenus huilaient les finances publiques.

Ainsi M Tsipras parachève le programme de ses prédécesseurs.

Le consortium allemand -Fraport-Slentel- qui achète aujourd’hui 14 aéroports régionaux juteux pour la ridicule somme de 1.23 milliards n’est autre que celui-là même qui devait les acquérir en 2014. M Tsipras n’a fait que retarder la procédure de quelques mois.

D’autres consortiums attendent leur tour dont les fameux exploitants d’or canadiens. Car pour ceux qui ne le sauraient pas encore, la Grèce n’est pas pauvre du tout. Elle est même excessivement riche en ressources minières et fossiles. Confiner la Grèce dans le rôle de mendiant qui vit aux crochets de ses voisins est de l’intox (un effet de « com’ » de plus).

Ainsi, Tsipras satisfait actuellement les désidératas des marchés financiers grâce au soutien de l’opposition qui quittance son programme au parlement. M Tsipras représente parfaitement l’inutilité de la démocratie européenne du 21ème siècle. Quoi que l’électeur fasse, il tombe régulièrement sur des exécutants des marchés financiers qui réussissent à le séduire par de beaux discours finement ciselés pour la culture locale. En psychologie, cela s’appelle de la manipulation.

Plus grave encore est l’impact de l’effet Tsipras sur les citoyens européens en général. Ce drame grec pourrait en fait mettre un terme à tout espoir populaire de préserver ses libertés et son patrimoine. Il peut clairement décourager toute opposition au grand casino. Des messages inconscients peuvent être du style: « inutile de vous exciter, vous ne pouvez que perdre » ; « aucune opposition politique ne peut réussir », « le marché financier peut tout » etc.

Or, un système qui verrouille toute alternative et toute opposition est totalitaire.

Actuellement, les médias détournent leurs projecteurs de M Tsipras pour les fixer sur l’Allemagne coupable du malheur des grecs. La réalité est que M Tsipras est le grand responsable du malheur actuel et surtout futur de son pays et de son peuple. Il avait toutes les cartes en mains pour dire non à l’Allemagne. Son peuple était prêt à le soutenir jusqu’au bout. Certains parlent de haute trahison ce que les faits tendent à démontrer.

La crise grecque a montré de manière caricaturale la manipulation psychologique dont est capable une très bonne communication portée par des individus charmeurs.

Il ne faut pourtant pas baisser les bras et croire que tout est figé. La première étape pour les temps à venir consiste à apprendre à repérer et connaître son véritable ennemi ainsi que ses faiblesses. C’est un casino anonyme certes mais qui n’a aucune existence sans la fortune, le travail et les impôts des citoyens. Les citoyens ont beaucoup plus de pouvoir que ce qu’ils peuvent bien imaginer.

Dernier point cet ennemi se cache derrière une myriade de sociétés anonymes, Fonds d’investissements et autres fondations. Mais il est très sensible à la lumière qu’il craint et qu’il fuit. Fixons donc les projecteurs sur lui plutôt que sur les peuples Grecs, Américains ou Allemands tous victimes du même monstre.

Liliane Held-Khawam

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22 réflexions sur “La crise actuelle est aussi une histoire de trahison. Le cas Tsipras. Liliane Held-Khawam

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  4. Beaucoup de confusion dans cet article. Un ultralibéralisme hyper-contrôlant ? Un peu comme une vierge enceinte, en fait ? Pour voir de « l’ultra-libéralisme » en France, il faut avoir de sérieuses lunettes roses…

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  6. La crise Grecque ou l’impuissance apprise https://www.youtube.com/watch?v=j9I95BJsINc

    Le loup est sorti du bois, dans une certaine indifférence l’Europe affiche officiellement son « nouveau » visage.

    Comme dirai si bien le Contrarien Matin, Il est déjà trop tard, préparez vous.

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  10. « la Grèce n’est pas pauvre du tout. Elle est même excessivement riche en ressources minières et fossiles »
    Etes vous bien sûre de cette affirmation ?

  11. Je vis en Grèce depuis 3 ans…et j’ ai quelques connaissances en économie
    https://www.hc-gaia.com/l-auteur

    Je suis d’ accord avec vous sur bien des points, mais pas sur la Grèce…lol

    D’ après votre article que j’ ai parcouru…la Grèce extrait à peine 500 kgs d’ or de son sous sol.
    Même à 50,000€ le kgs, cela atteint une valeur de 25 mios€…ce qui est ridicule en regard des 400 tonnes de la chine ou…de la dette grecque de plus de 300 milliards d’€.

    En ce qui concerne le pétrole et gaz naturel de ma mer Egée…Pour l’ instant , ce ne sont que des forages et des estimations…et quoiqu’ il arrive, les concessions ont déjà été vendues à des multinationales du pétrole.

    La principale ressource de la Grèce, c’ est nous…le tourisme. ensuite vient une agriculture intensive, donc peu rentable, et le transport maritime.
    Ce qui laisse très mal augurer de son avenir, c’ est un niveau d’ éducation, notamment professionnelle , incroyablement bas !
    au cours des 10 dernières années, plus de 500,000 grecs, parmi le mieux « éduqués » ont émigré ( 10% de la population )

  12. Voici un extrait du billet précédemment cité:
    « (…) 498 kilos d’or. Telle était la production annuelle en Grèce en 2011. L’an prochain, ce chiffre pourrait théoriquement dépasser les 13 tonnes – soit 26 fois plus –, plaçant ainsi le pays au premier rang des producteurs européens, devant la Finlande, actuel 40e au rang mondial.

    Car le sous-sol de la Grèce est riche : le pays est déjà le premier en Europe pour la bauxite, minerai qui entre dans la fabrication de l’aluminium, et de perlite, sable siliceux utilisé en agriculture et en horticulture.
    250 tonnes d’or rien qu’en Chalcidique (…) »

  13. les 250 t d’ or de la Chalcidique ne sont que des estimations des réserves possibles..
    Les estimations, c’ est comme les statistiques:
    Churchill: » Je ne crois aux statistiques que lorsque c’ est moi qui les ai falsifiées ».

    Maintenant devenir un des premiers producteurs d’ or en Europe n’ est pas significatif: Il n’ y a pratiquement pas d’ or en Europe ! Au pays des aveugles, les borgnes sont rois…

    Enfin, les grecs sont incapables d’ exploiter une mine d’ or. Cela demande des capacités en engéniérie et en gestion.
    Les quelques mines d’ or sont donc exploitées par des cies étrangères ( canadiennes, australiennes..etc qui viennent des plus grands pays producteurs d’ or )
    Aucun bénéfice pour la Grèce, si ce ne sont que des emplois peu qualifiés.

    La première ressource de la Grèce , c’ est le tourisme:
    Plus de 35 millions cette année, avec 20 milliards d’€ de revenus directs et x3 fois plus en revenus indirects !!!
    Malheureusement, ces revenus ne bénéficient pas aux grecs…on pourra en reparler.

    Sur la trahison de Tzipras, je suis , par contre tout à fait d’ accord.

  14. Il n’ y a pas que les ressources naturelles qui soient une richesse.
    Le patrimoine culturel de la Grèce est sans aucun doute sa plus grande richesse

  15. hcgaia, Les informations que nous détenons parlent de gisements et pas d’or en stock. Ceci dit, je ne doute pas 30 secondes que le peuple grec ne recevra aucun bénéfice autre que la destruction de sites touristiques et la pollution générée par les exploitations minières (aussi dans le dossier sur la Grèce).
    La crise grecque a forcé la main aux peuples à accepter une exploitation qui va défigurer définitivement leur environnement et mettre en danger l’industrie du tourisme. Sans la fameuse crise la chose aurait été simplement impossible.
    NB. Quant aux estimations faites sur les gisements, effectivement comme toujours ce sont des supputations. Cela peut être moins, mais aussi… plus…

  16. autant l’ article concernant le réchauffement climatique et l’ analyse très précise du prof Marko , est intéressant et fiable,
    autant l’ article sur « l’or en Grèce » est fantaisiste.
    ( il mentionne une production en 2011 de 498 kgs et projette pour 2012, une production x26 fois supérieure de plus de 2 1/2 tonnes !
    Nous sommes en 2019, Quelle a été la production en 2012 ??? Je te laisse vérifier.

    Je n’ ai jamais parlé de stock d’ or, mais des estimations de gisements ou réserves. Le stok d’ or est un autre concept tout aussi difficile à évaluer puisqu’ il convient de distinguer entre le stock de l’ état, et d’ évaluer le stock detenu par les particuliers !

    L’ atteinte à l’ environnement d’ une dizaine d’ exploitation du minerai or est, par ailleurs, tout à fait négligeable. Cela n’ est pas vraiment un problème majeur pour la Grèce !

    La principale source de revenus du pays est le tourisme, qui , en une dizaine d’ années est passé de 15 mios/an à 35 mios aujourd’ hui.
    Malheureusement, cela ne profite que peu à la Grèce.
    Les raisons:
    -C’ est un tourisme bas de gamme
    -il est concentré sur des all inclusiv resorts, pour la plupart rachetés par des Cies étrangères qui ne paient pratiquement pas d’ impots et pratiquent l’ évasion fiscale.
    -La main d’ oeuvre grecque a été remplacée en grosse partie par des Albanais, roumains, bulgares…payés encore moins cher
    -Le food ( nourriture offerte ) est importé à bas prix par containers en provenance de l’ étranger et ne profite donc pas aux agriculteurs ni pêcheurs locaux

    Frederic Bart
    MBA ESSEC
    MBA Cornell University
    Docteur en sciences économiques
    Docteur en droit
    Ingénieur en génie civil Université de San Francisco de Macoris

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