Dettes publiques: Au-delà de la mise en scène… Par Liliane Held-Khawam

De négociations en négociations, la crise grecque nous tient en haleine depuis de nombreuses semaines. Pourtant hier soir le parlement grec a validé l’accord que M Tsipras aurait présenté aux partenaires européens et autres FMI. Accord 100% en faveur de l’industrie financière transnationale.

Pourtant le peuple avait voulu croire en M Tsipras. Son initiative pour la tenue d’un référendum a créé de l’espoir au-delà des frontières grecques. On a voulu y croire. Mais non M Tsipras se rend et il a fait se rendre avec lui toutes les petites gens qui ont lié leur sort à sa capacité de négociateur. A sa capacité de tenir ses promesses électorales.

Mais M Tsipras n’est pas la bonne personne. Nous l’avions déjà supposé à la lecture de son programme de finjuin. Aucune surprise donc. Portant le malaise grandit toujours plus dans le coeur des peuples. Et pas que des petits retraités. Les politiciens de tout bord semblent briller par leur impuissance. Le rôle tenu par la gauche malmenée aujourd’hui en Grèce mais hier en France et avant-hier ailleurs montre bien que la pseudo division droite-gauche a fait long feu et qu’aujourd’hui la réalité est ailleurs. Au-delà de la scène…

dettepublique

La réalité pure et dure est que les financiers privés et transnationaux ont pris le pouvoir politique. Ces financiers qu’hier il fallait soit-disant sauver de la faillite avec les maigres deniers publics et qui depuis ont fait exploser leurs indicateurs boursiers et leurs bonus. Ces financiers qui font ployer la Grèce, la France, l’Espagne et un bon paquet de pays sous les conséquences de leur sauvetage. Ces financiers qui sont partis poursuivre leurs malveillances ailleurs sur la planète et qui en ce moment-même font boire la très grosse tasse à l’Asie. Ces financiers insatiables qui en veulent toujours plus et qui ne sont limités par aucune règle morale ou éthique. Ces financiers qui confondent stratégie et gains, humanité et austérité, loyauté et trahison, justice et iniquité. Ce sont en réalité ces individus qui tirent les ficelles derrière les scènes médiatiques.
Ils ne s’exposent pas –encore- en direct. Ils utilisent des personnalités politiques qui peuvent être acceptées par l’inconscient collectif du peuple qu’ils honnissent.

Pourtant ce sont eux les boss. Leur dictature est déjà en place grâce à un circuit financier unique de très haute performance et qui passe au-dessus des Etats-Nations. La loi nationale est la leur. Aucun vote, référendum ou autre élection ne leur résistent. Il leur suffit de fermer le robinet et le pays est asphyxié.

On a vu hier à Chypre puis aujourd’hui en Grèce qu’ils ont le pouvoir de vie et de mort sur une économie nationale. Ils ont un pouvoir équivalent à celui d’une armée régulière. Ils ont le pouvoir de décréter un embargo. Rien de moins. Car aujourd’hui, il s’agit bien d’un embargo financier – et donc économique- que vivent les grecs. Une honte absolue et innommable tant elle est méprisable.

Ces financiers sont les patrons de l’Allemagne endettée de plus de 2’170’000’000’000 d’euros. Certains ont même dit dans le cadre d’un reportage sur Arte le 28 juin 2012 qu’il fallait ajouter aux 2’000milliards de l’époque 5’000 pour se rapprocher de la réalité, soit 270% de son PIB de 2012 !!!

Cette fortune colossale, l’Allemagne la doit aux banques privées et centrales (qui sont aussi privatisées pour la plupart). Cette dette est partie dans des produits financiers que seuls les ordinateurs peuvent encore appréhender. Par conséquent l’Allemagne tout comme la France, l’Italie, l’Espagne ou d’autres ne s’appartient déjà plus. Quand elle négocie, elle est une intermédiaire entre l’industrie transnationale et les grecs. Même la banque centrale grecque n’appartient plus au pays. C’est un hedge fund du groupe Carlyle qui en est le deuxième actionnaire. Or, c’est cette banque centrale grecque qui gère hors bilan pour 170 milliards d’avoirs grecs dont les capitaux des malheureux retraités qui cherchent à grappiller quelques euros là où ils le peuvent.

L’embargo de la finance transnationale contre le peuple grec est un acte de guerre. Alors par pitié laissons tomber les mots « partenaires », « accords », « aide » etc. Rien n’est plus faux.

Il faut parler de hold-up, d’humiliation, de crime contre l’humanité et surtout et avant tout de spoliation.

Il ne faut surtout pas s’y tromper. La dette publique telle que fabriquée actuellement repose sur 3 piliers contestables et contestés :

1. Tous les pays du monde ont officiellement renoncé à se faire financer par leur banque centrale. Un mur a été érigé entre la banque centrale et le gouvernement de sorte que le pays est condamné à aller chercher son financement auprès du privé.

2. Un gouvernement doit ainsi aller chercher le financement de sa dette auprès d’un marché privé libre de lui fixer les conditions et les coûts. Aucun des gouvernants qui ont admis ce point de vue ne l’aurait accepté pour ses affaires privées. On invoque la liberté des marchés pour justifier la chose. Or, rien n’est moins libre que les marchés financiers cartellisés pour ne pas dire monopolistiques. Ils sont manipulés et même planifiés comme le plus zélé des régimes totalitaires.

3. Ce point est le pivot de la forfaiture qui n’a que trop duré. L’octroi du pouvoir de la création monétaire à l’industrie financière. Les banquiers fabriquent des quantités illimitées de monnaie créées à partir des dettes et donc aussi des dettes publiques. Le travail et le patrimoine des citoyens en sont la consistance et la caution.

Les dettes publiques européennes ont clairement permis de donner de la consistance à une monnaie bancaire illégitime qui ne repose que sur les actifs de l’emprunteur (débiteur). Elle est même illégale dans la mesure où cette monnaie scripturale n’est pas reconnue par la législation.

Il est aussi à souligner que l’argent des dettes publiques récupéré par les banques a servi à partir à la conquête de l’Asie (cf les chiffres phénoménaux des investissements directs à l’étranger sont disponibles dans les statistiques de CNUCED ; banques centrales, BM, FMI). Les dettes publiques ont permis l’expansion mondiale de l’industrie financière transnationale. Quand cette industrie exige la privatisation du patrimoine et des services publics dans le cadre d’une austérité, elle ne fait qu’accroître la pression sur l’économie réelle locale avec pour conséquence une augmentation des déficits publics. La croissance de la dette publique est alors garantie avec pour conséquence une croissance de l’assise de l’industrie financière transnationale.

Ces gigantesques dettes publiques sont l’assise qui a permis à certains acteurs de la finance transnationale de s’approprier le monde en le financiarisant.

En conclusion, la crise des peuples est le moteur de croissance de l’industrie financière transnationale. En réalité, une bonne partie des dettes publiques est en fait totalement illégitime et injustifiée. Le processus qui permet le siphonnage du peuple par la finance transnationale que parce que certaines élites ont trahi leur mission de représentants du peuple.

Les dettes publiques ne font qu’effondrer les Etats pour mieux instaurer un Etat transnational en mains exclusives des financiers privés. Qui veut pour ses enfants de cet avenir qui mène assurément à l’esclavage? Quel est l’homme ou la femme d’Etat qui va aujourd’hui se lever et s’y opposer avec tous les risques que cela comporte ? En tout cas pas M Tsipras…

Liliane Held-Khawam

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14 réflexions sur “Dettes publiques: Au-delà de la mise en scène… Par Liliane Held-Khawam

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  3. Merci pour ce commentaire, direct et résumant parfaitement une réalité que la plupart des médias évitent soigneusement de développer…

  4. Merci pour vos articles, bien documenté et allant droit à l’essentiel.
    Suggestion pour un prochain : Euroxit ou la sortie de l’Europe du champs démocratique.

  5. C’est juste une idée (je ne sais pas ce qu’elle vaut).

    Sur le sens des mots d’abord.
    « Grexit » désigne la sortie de la Grèce de quelque chose de plus vaste, la zone euro. « Euroxit » se doit donc également de désigner (non pas un éclatement de la zone euro, ou pas directement, mais) une sortie de quelque chose de plus grand, à savoir… le champ démocratique. Car cette sortie aboutira inéluctablement à l’éclatement de la zone euro. (Même si les intentions qui ont conduit à la formation de l’Europe n’ont pas toujours été avouables, la démocratie partagée par les différents pays membres en est le ciment).

    A (dé)montrer :
    1) les aspects toujours plus anti-démocratiques des décisions européennes (Grèce, TAFTA, etc.), soumis aux puissances financières (banques, transnationales)
    2) que cette Europe ploutocratique n’est pas viable à moyen terme, (i) soit qu’elle éclate sous la pression populaire, voulant retrouver une souveraineté démocratique (dans l’état actuel une réforme de l’Europe me semble utopique), (ii) soit qu’elle se dissolve dans un ensemble plus vaste et encore moins souhaitable (avec les Etats-Unis par exemple), pour aboutir à une sorte de gouvernance mondiale d’élites financières sans plus aucun vernis démocratique.

    D’où le moment charnière que nous vivons avec la Grèce, et l’importance de montrer cette soumission du politique, et du médiatique, au veau d’or (ou au taureau de Wall Street et d’ailleurs) pour que les peuples ne l’accepte plus.

    « Euroxit », dans le sens d’une sortie de l’Europe de la sphère démocratique, pourrait être un concept facilitant cette prise de conscience. (La bataille se jouant aussi dans le vocabulaire).

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