La mondialisation de la production et le circuit du capital. Par Prof Robinson et Harris 4/12

Avant-propos: Ce texte est extrait de la publication:« Vers une classe dirigeante mondiale? Mondialisation et classe capitaliste transnationale» de W Robinson et J Harris dont la vision globale est publiée dans le dossier « L’Etat Transnational et sa bourgeoisie ». Il fait suite à la publication:

  1. « Vers une classe dirigeante mondiale? Mondialisation et classe capitaliste transnationale. » Présentation de l’étude 1/12
  2. Formation d’une classe transnationale et la CCT : quelques éléments conceptuels 2/12
  3. D’une Bourgeoisie Internationale à une bourgeoisie Transnationale 3/12
  4. La mondialisation de la production et le circuit des capitaux

Le capitalisme mondial n’est pas la simple juxtaposition d’‘‘économies nationales’’ comme une certaine conception dominante voudrait le suggérer (voir, entre autres, Wood, 1999). Beaucoup de critiques qui soutiennent que la mondialisation est exagérée, voire illusoire (par exemple Wood, 1999 ; Gordon, 1988; Hirst and Thomas, 1996; Weiss, 1998; Glyn et Sutcliff, 1992) affirment que la période actuelle est seulement une intensification quantitative des tendances historiques et non  une nouvelle époque qualitative. Mais cet argument ne fait pas de distinction entre l’extension du commerce et des flux financiers par-delà les frontières nationales, qui dans notre conception représente l’internationalisation et la mondialisation du processus-même de production qui représente la transnationalisation.

Ces rapports indiquent le degré élevé d’intégration du commerce mondial dans la période antérieure à la Première Guerre Mondiale (en effet, l’économie mondiale était à ce moment, au moins aussi intégrée économiquement qu’elle ne l’était au début du 21e siècle). Mais ils ne sont pas parvenus à noter ce qui est qualitativement nouveau. L’intégration d’avant 1913 s’est faite au travers de « la longueur des bras »  dans le commerce de biens et services . Elle était basée uniquement sur les systèmes de production nationaux et au travers des flux financiers transfrontaliers prenant la forme d’investissements de portefeuille.

Durant cette période, les classes capitalistes nationales organisèrent des chaînes de production nationale et produisirent des marchandises au sein de leurs propres frontières (en fait, la main-d’oeuvre les a produites), qu’elles ont ensuite échangées contre des marchandises produites dans d’autres pays. C’est ce que Dicken appelle «intégration superficielle» (1998, 5). Cela contraste avec ‘’l’intégration profonde’de la mondialisation qui implique la transnationalisation de la production de biens et services.

La mondialisation de la production a entraîné la fragmentation et de la décentralisation des chaînes complexes de production, leur dispersion à travers le monde et l’intégration fonctionnelle de leurs différents segments. Cette mondialisation de la production était de plus en plus recherchée. Nous nous intéresserons ici à ses implications sociales et politiques, en particulier, en ce qui concerne la formation de classe.

C’est la mondialisation de la production qui sert de base à la transnationalisation des classes et à l’essor d’une CCT.

Dans ses importants travaux sur l’internationalisation des capitaux, Christian Palloix a suggéré une séquence historique claire: le circuit du capital-marchandise était le premier à être internationalisé sous la forme de commerce mondial; le circuit de capital-argent était le second sous forme de flux grâce à un portefeuille de participations dans  des fusions d’entreprises à l’étranger; le circuit du capital-production est le plus récent, sous la forme de croissance massive des sociétés transnationales dans la période post-deuxième Guerre mondiale (Palloix, 1977a; 1977b). Cette transnationalisation de la production s’est développée de façon spectaculaire depuis que Palloix a écrit à la fin des années 70 incluant non seulement la dispersion des activités des firmes transnationales (FTN) mais aussi la restructuration, fragmentation, et décentralisation mondiale du processus de production (cf.inter alia, Dicken, 1998; Howells and Wood, 1992; Burbach and Robinson, 1999; UNCTAD, various years).

Rappelons la place centrale du circuit de capital dans l’analyse de classe, et que celui-ci est intégré dans les processus sociaux, politiques et culturels. C’est autour de ce circuit, en particulier M-C-P-C’-M ‘(incluant l’indispensable P pour production) que la formation des classes a lieu, que les classes luttent, que les processus politiques se déroulent, que les Etats tentent de créer les conditions générales pour la reproduction du circuit, les processus culturels germent, et ainsi de suite.

Durant la première période de l ‘«intégration superficielle», la première partie de ce circuit, M-C-P-C’, se déroule au niveau des économies nationales. Les marchandises étaient vendues sur le marché international, et les profits retournaient dans le pays d’origine, où le cycle se répétait. Sous la mondialisation, P est de plus en plus mondialement décentralisée, et il en est de même pour l’ensemble de la première partie du circuit, M-C-P.

Les biens et services produits à l’échelle mondiale sont commercialisés dans le monde entier. Les bénéfices sont dispersés dans le monde entier au travers du système financier mondial qui a émergé depuis les années 1980, un système qui est qualitativement différent des flux financiers internationaux de la première période. Comme l’ensemble du circuit devient transnationalisé, il en est de même pour les classes, processus politiques, les États et les processus culturels et idéologiques.

Ce qui nous intéresse dans la présente étude est la formation de la classe transnationale et la montée d’une CCT. Or, la transnationalisation du circuit de capital implique ainsi bien la transnationalisation des agents de capital.3 Et comme les circuits nationaux de capitaux sont intégrés de façon transnationale, ces nouveaux circuits transnationaux deviennent à leur tour les lieux de formation de classes dans le monde entier.

Ceux qui prétendent que la mondialisation est simplement un approfondissement quantitatif du processus de l’internationalisation, soulignent également la présence persistante du phénomène de l’État-nation en tant que variations et «spécificités» nationales. Certains processus de production sont encore clairement limités par: les contraintes de certains Etats-nations, groupements capitalistes nationaux , leur protagonistes politiques, dans les pays où ces groupes sont en mesure d’influencer les pratiques étatiques, les permanentes rivalités interétatiques, la persistante phénoménologie de l’Etat-nation, et ainsi de suite 4 (voir, entre autres, Wood, 1999).

Pour autant tous ces phénomènes bien  présents ne permettent pas d’invalider l’analyse de la mondialisation en tant que nouvelle époque qualitative dans le développement du capitalisme mondial. Il n’y a absolument rien dans la conception et la méthode de l’analyse dialectique et du matérialisme historique pour suggérer que les phénomènes contradictoires ne peuvent pas coexister, comme nous le verrons ci-dessous dans le cas concret de fractions des classes nationales et transnationales et les contradictions entre elles. Dans la totalité des structures historiques, il y a de nombreux processus qui sont en contradiction les uns avec les autres ou prenant des directions opposées au sein d’une plus grande unité. La mondialisation est un processus, non un état ou une condition.

C’est une conception de la structure historique en mouvement et, en tant que tel, de nombreuses formes peuvent être impliquées dans sa dynamique: des formes de classes transnationales ascendantes, nationales descendantes, de structure productives, et ainsi de suite. Ce qui est important pour l’analyse matérialiste est d’arriver à capter la direction d’un mouvement historique et des tendances en cours, même lorsque ces processus historiques sont en cours. Ceux-ci peuvent alors aller dans des directions nouvelles et imprévues, voire même des retournements.

Suite: La CCT est une classe en elle-même et une classe pour elle-même 5/12

(L’étude est décomposée en une série de 12 posts. Dossier « L’Etat Transnational et sa bourgeoisie » )

Extrait de « Vers une classe dirigeante mondiale? Mondialisation et classe capitaliste transnationale. » Par WILLIAM I. ROBINSON et JERRY HARRIS

Source en anglais Towards A Global Ruling Class? Globalization and the TransnationalCapitalist Class

Dossier sur le présent blog: « L’Etat Transnational et sa bourgeoisie »

 

2 réflexions sur “La mondialisation de la production et le circuit du capital. Par Prof Robinson et Harris 4/12

  1. Pingback: TRANSNATIONAL/TRANSHUMANISME | Pearltrees

  2. C’est passionnants cette série d’article c’est pour quand la suite ?

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