Formation d’une classe transnationale et la CCT : quelques éléments conceptuels 2/12Par Prof Robinson et Harris

Avant-propos: Ce texte est extrait de la publication:« Vers une classe dirigeante mondiale? Mondialisation et classe capitaliste transnationale» de W Robinson et J Harris dont la vision globale est publiée dans le dossier « L’Etat Transnational et sa bourgeoisie ». Il fait suite à la publication:

  1. « Vers une classe dirigeante mondiale? Mondialisation et classe capitaliste transnationale. » Présentation de l’étude 1/12
  2. Formation d’une classe transnationale et la CCT : quelques éléments conceptuels 2/12

Depuis les années 60, un nombre croissant d’observateurs a parlé de l’émergence d’une ‘‘classe capitaliste internationale’’. Au début des années 70, Stephen Hymer notait qu’ «une classe capitaliste internationale » est en cours d’émergence dont les intérêts se situent dans l’économie mondiale en tant qu’ensemble unique et dans un système de propriétés privées internationales qui permet la libre circulation des capitaux entre pays… Il ya une forte tendance pour les groupes les plus puissants de la classe capitaliste de voir de plus en plus leur avenir dans la croissance future du marché mondial plutôt que dans sa limitation» (Hymer, 1962, 262).

Les théoriciens de la dépendance ont énoncé que la notion de bourgeoisie internationale est formée à partir de l’alliance de bourgeoisies nationales liées par leurs intérêts mutuels à défendre le système capitaliste mondial. Dans leur étude déterminante, Global Reach 1974, Barnet et Mueller affirment que la propagation des firmes multinationales a donné naissance à une nouvelle élite internationale du monde de l’entreprise. Résumant une grande partie de ce travail précoce dans les années 60 et 70, Goldfranck soulignait en 1977 que ‘‘de plus en plus, les propriétaires et les dirigeants des entreprises multinationales viendront à se constituer en une puissante classe sociale’’(35) et que ‘’l’étude de la structure de classe ou stratification est à ses balbutiements’’(32).

Parallèlement aux recherches en plein essor sur la mondialisation économique, des études dans les années plus récentes se sont orientées sur le processus de formation de la classe transnationale. L’excellent travail théorique de Kees van der Pijl sur la formation de la classe internationale se distingue ici (1984 ; 1989 ; 1998).

Il a analysé à la sortie de la 2ème guerre mondiale le fractionnement des capitaux autour de fonctions organisationnelles (d’entreprises) dans les pays avancés , l’internationalisation de ces fractions ainsi que leurs projets comme une conséquence de l’expansion transnationale des capitaux, l’important développement d’une conscience de classe bourgeoise mondiale et d’un ‘’concept complet de contrôle » par la classe bourgeoise au niveau international.

David Becker er ses collègues, dans leur thèse controversée sur le ‘’post-impérialisme’’, notent que les entreprises mondiales promeuvent l’intégration de divers intérêts nationaux sur une nouvelle base transnationale. Un « mouvement international d’entreprise » de la bourgeoisie managériale est le principal promoteur de ce processus. Il constitue aussi la nouvelle coalition dirigeante qui réunit une ‘’bourgeoisie managériale nationale » représentant aussi bien les intérêts privés que publics de l’ancien Tiers-Monde à une ‘’bourgeoisie d’entreprise transnationale’’ issue des firmes mondiales.

Dans le même sens, ’l’école italienne’’ en relations internationales a tenté de théoriser une formation sociale mondiale qui se place hors de la logique de l’Etat-nation (voir en particulier Cox, 1987; Gill, 1990). Robert Cox (1987, 271) parle d’une ‘‘émergente structure mondiale de classe’’ et Stephen Gill a identifié une ‘‘ fraction de la classe capitaliste transnationale en développement ‘’ (1990, 94).

Dans un ordre d’idées tout à fait différent, ‘’la théorie du système mondial’’ de Leslie Sklair implique l’idée de classe capitaliste transnationale qui réunit les dirigeants des firmes transnationales, ’’ la mondialisation des bureaucrates, politiciens et professionnels ’’ et les ‘’élites consuméristes’’ des médias et du secteur commercial (1995 ; 1998).

Bien que son analyse soit embrouillée du fait d’un certain nombre de confusions théoriques et conceptuelles, l’amalgame entre classe et strate et  son incapacité à aborder la question de l’Etat, le travail de Sklair va plus loin en concevant la classe capitaliste comme n’étant plus liée à une territorialité ou motivée par une compétition/concurrence nationale.

Ce que toutes ces considérations mettent en évidence (à l’exception de Sklair) est un concept de classe centré sur l’Etat-Nation. Elles posent comme principe que des bourgeoisies nationales convergent hors du pays vers d’autres classes nationales au niveau du système international à travers l’internalisation des capitaux ainsi que de la société civile. La formation d’une classe dirigeante mondiale est perçue comme la collusion internationale de ces bourgeoisies nationales et de leurs coalitions internationales. (…)

En revanche, nous estimons que la mondialisation est en train d’établir les conditions matérielles en vue de l’avènement d’une bourgeoisie dont les références ne sont plus nationales. Dans ce processus de formation d’une classe transnationale, les groupes dominants fusionnent en une classe (ou une fraction de classe) dans l’espace transnational. La composition organique, la position objective et la constitution subjective de ces groupes ne sont plus liées aux Etats-nations. (…)

Suite:D’une Bourgeoisie Internationale à une bourgeoisie Transnationale 3/12

2 réflexions sur “Formation d’une classe transnationale et la CCT : quelques éléments conceptuels 2/12Par Prof Robinson et Harris

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