Les taux d’intérêts négatifs ou la douce confiscation progressive – Partie 1 – Par Liliane Held-Khawam

Nous avons longtemps eu le privilège de bénéficier en Occident d’une gouvernance étatique qui s’intéressait à l’intérêt public. Ce temps est révolu. Même l’appellation « intérêt public » a muté pour devenir « intérêt général ». Les conflits d’intérêts et autres corruptions d’hier sont devenus « lobbying » par « souci » de « réalisme ». La protection des données personnelles a cédé la place à la « transparence » qui fait que des dossiers médicaux peuvent faire aujourd’hui le « buzz » sur Internet.

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Triste monde dont les dérives incombent essentiellement à plusieurs générations d’élus qui n’ayons pas peur des mots ont trahi et continuent de trahir leurs électeurs.

Une schizophrénie règne dans le milieu de la politique contemporaine. La différence entre les discours officiels et les actes posés est criante. Dans les faits deux modèles de gouvernance cohabitent dans l’esprit des dirigeants. L’un est démocratique et promeut l’intérêt public. L’autre est oligarchique et fonde la gouvernance non plus sur des Etats-Nations mais sur le leadership privé de firmes transnationales. Nous nous trouvons actuellement dans une phase de transition entre ces deux modèles. Voilà pourquoi le double-discours de dirigeants politiques est une compétence professionnelle à part entière. A côté des promesses électoralistes sans lendemain, le modèle de référence de gouvernance qui prévaut est celui d’un monde globalisé. Que les élus soient de droite ou de gauche,ils déroulent un programme, des actes, et des règlements qui se réfèrent exclusivement à un mondialisme dirigé par le secteur privé des « firmes transnationales. Celles-ci ont pour mission de financiariser et privatiser la planète, ses ressources naturelles, ses infrastructures et ses productions.

Les politiques financières nationales au service de la globalisation

Voilà les Etats priés de céder leurs prérogatives à ces mammouths de la haute finance internationale dont les propriétaires finaux sont inconnus. Or, parmi les politiques financière et monétaire nationales sont le coeur d’un Etat. L’exemple qui illustre bien ce propos est celui de la Grèce. Vidée de sa substance monétaire et financière, ce pays a perdu son autonomie. Voici quelques mesures financières et monétaires qui mettent à genoux pays et populations:

  • Garantie avec l’argent public des activités hautement spéculatives et vérolées de la haute finance internationale;
  • Confiscation progressive de l’épargne du public;
  • Soutien financier illimité des autorités aux firmes transnationales;
  • Privatisation à bon compte des services publics et de leur patrimoine;
  • Restructuration des services publics en sociétés – entreprise, association, fondation – inscrites au Registre du commerce. L’avantage de ces structures est qu’elles bénéficient de conseil d’administration, de fondation ou d’institut. Celui-ci devient maître à bord et dispose alors librement des décisions d’investissements, de fusions, de transferts de patrimoines…
  • Financiarisation de TOUS les secteurs productifs: PME, PMI, secteurs de la santé, commerce de détails, professions libérales…
  • Financiarisation de l’immobilier grâce à l’arrivée massive de hedge funds étrangers;
  • Taux d’intérêts négatifs aussi bien sur les dépôts bancaires qu’au niveau des emprunts obligataires publics.

Une étude même sommaire des textes de lois révèle à quel point la législation -particulièrement en Suisse- a été soigneusement modifiée pour accompagner cette restructuration en profondeur de tous les recoins d’un Etat. C’est dans ce contexte que le citoyen découvre le système des taux d’intérêts négatifs.

Le taux d’intérêt négatif est un impôt dédié à la globalisation des marchés

Un taux d’intérêt négatif est une mesure qui revient à payer l’agent qui emprunte. Vous voulez emprunter pour financer l’achat de votre appartement? Avec un taux négatif, votre banquier préféré vous donne de l’argent. Il sort cet argent de sa poche pour vous permettre d’investir. C’est une dépense opérationnelle qui viendra grever ses comptes annuels. Mais rassurez-vous. Votre banquier ne le fera pas s’il est sain d’esprit. Pourtant c’est ce que va faire votre banquier central. Il va offrir de l’argent à ses débiteurs! Plus le débiteur est gros et international – banque too big to fail transnational – et plus il va bénéficier de ce privilège extraordinaire. Votre caisse d’épargne ou cantonal régional paiera plus cher ses emprunts que BNP Paribas ou UBS. Toute entreprise transnationale (banque, Industrie, hedge funds, service) ou Etat coté AAA (ou s’en approchant) pourra bénéficier d’emprunts financés par votre banquier central, c’est-à-dire par vous.

Ainsi, une super-firme transnationale comme Nestlé a été payée pour emprunter sur les marchés financiers en février 2015. Une aberration totale!!! Cette mesure du taux d’intérêt négatif prend donc sa source directement chez les banquiers centraux. Ils bénéficient – par la magie de lois illégitimes, de souveraineté et font ce qu’ils veulent avec l’argent public. Or, leur finalité est la financiarisation et la globalisation des marchés. De par les pouvoirs qui leur ont été conférés, ils ont mis en place une nouvelle forme d’imposition mise au service du privé.

Quand une banque centrale impose les taux d’intérêts négatifs

Les banques centrales ont gonflé leur bilan de manière expansionniste depuis une quinzaine d’années. Les circuits financiers internationaux croulent sous des liquidités pléthoriques. L’argent y est gratuit avec un bonus -taux d’intérêt négatif- offert pour fidéliser l’acheteur. Les bourses flambent augmentant d’autant leur pouvoir d’achat et de financiarisation du monde. L’économie réelle locale est dans un tout autre circuit financier sévère et austère. Elle subit ainsi une déflation qui exerce une pression accrue sur les prix et les marges.Elle devient chaque jour un peu plus la proie des prédateurs financiers… Quant au citoyen, il cumule les conséquences des délocalisations, des restrictions des services publics privatisés, de la précarisation des emplois disponibles et surtout de la concurrence féroce sur les salaires… Son pouvoir d’achat s’érode progressivement.

Le financement des intérêts négatifs

TimelineUne banque centrale qui achète des actifs soumis à des intérêts négatifs doit trouver l’argent pour financer son « patrimoine ». Ceci équivaut à un coût opérationnel et non un investissement.

Elle le fera via l’argent des déposants qui sont principalement les caisses de retraite. En clair le déposant est ponctionné pour pouvoir payer les emprunts de Nestlé, Microsoft et autres méga-groupes pétroliers. Venant de la part d’un représentant de l’autorité monétaire du pays qui se sert dans les dépôts bancaires, cela s’appelle une confiscation ou une imposition. Celle- ci est bien sûr plus progressive et sélective que ne l’aurait été une brutale ponction de 10 ou 20% sur l’ensemble de l’épargne. Pourtant le principe reste le même. Image: publiée par leblogalupus.com (source: Wall Street Journal) L

La politique monétaire confiscatoire progressive de la BNS

La Suisse a trouvé en décembre 2014 le moyen de régler les conséquences de sa politique monétaire mégalomaniaque par une confiscation progressive, forme d’imposition de l’épargne présente sur son territoire sous toutes ses formes. En 2014, le bilan de la BNS est celui d’une entreprise en grand danger. Son bilan présente la somme astronomique de 400 milliards de passifs dus à des tiers. Ce sont donc des dettes qu’elle a investies dans des obligations d’Etat rémunérées en intérêts négatifs. Cela signifie que la BNS doit payer pour maintenir ses actifs!!! Voilà donc la BNS qui doit financer en plus de ses achats titanesques les intérêts qui vont avec. Or, le marché n’accepterait pas que ce financement de coûts opérationnels (cash-flow) se fasse, comme à l’accoutumée, par une augmentation du « compte de virement des banques ». La BNS a donc dû trouver une nouvelle source pour financer ces coûts inattendus.

Ce sera par ponction des « comptes de virements des banques en Suisse » qui sont à son passif. Cet intérêt négatif, pris aux déposants, devra être supérieur aux intérêts négatifs qui découlent de ses placements en devises. En clair et en simple, au financement de ses emplettes illimitées en devises s’est rajouté leur financement opérationnel courant. Pour compliquer encore un peu plus, certains économistes pensent que la BNS finance ces comptes de virement bancaires par simple jeu d’écritures qui n’aurait aucune portée concrète!

Il n’y a rien de plus faux. Nous avons dénoncé depuis le premier jour l’usage des biens des déposants (y c. les juteux capitaux de la LPP et assurances-vie) pris sur le trafic de paiements – qu’ils soient en francs suisses, euros ou dollars américains, comme contrepartie à ses achats d’actifs sur le marché financier. Ce principe appelé Target est largement utilisé par les pays européens via la BCE. Les excédents de balance de paiements des uns paient les déficits des autres en échange de reconnaissances de dettes (Target par le prof Sinn). La BNS croule sous les reconnaissances de dettes publiques européennes et américaines en échange de vraies dettes adossées sur les biens privés et publics du pays.

Ceci n’est rien d’autre qu’une technique confiscatoire – soft et progressive certes, mais confiscatoire quand même.

Les capitaux de l’épargne, des caisses de pension (LPP) et des assurances vie sont ponctionnés régulièrement et le seront encore semble-t-il sur une durée annoncée de 10 ans. Cela a pour effet de mettre en danger l’avenir de nos retraites mais aussi des établissements du secteur et de leurs emplois. Mais plus grave encore les taux d’intérêts négatifs sur les capitaux équivalent à une imposition mise au service d’entités étrangères et privées. Cela a été un temps la définition-même de la colonisation avec asservissement du peuple…

Liliane Held-Khawam

A lire également: A propos des taux de rendement négatifs Par Bruno Bertez ou https://olivierdemeulenaere.wordpress.com/2015/03/20/important-a-propos-des-taux-de-rendement-negatifs-b-bertez/#more-30366

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  5. il faudrait que les gens se bougent un peu face a la crise et en particulier en France , ou nous sommes gouvernes par des minables qui font croire aux Français que tout va bien ; dormez tranquille , le gouvernement s occupe de tout , et on va aider, les autres , c’est malheureux pour
    ces gens qui viennent par bateaux pourris en europe ; mais comme disait si bien COLUCHE, on ne peut pas accueillir toute la misere du monde/////

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