La politique de la BNS au service des conglomérats européens – Par Liliane Held-Khawam

La stratégie de la fixation d’un taux plancher à 1.20 entre l’euro et le franc suisse est étalée dans la presse anglo-saxonne. On parle aujourd’hui du franc suisse comme d’une monnaie dérivée de l’euro. La BNS l’avait justifié en septembre 2011 en arguant qu’elle voulait soutenir les exportations suisses.

Or, la Suisse importe plus de biens en provenance de l’UE qu’elle n’en exporte. En optant pour le taux plancher avec l’euro, la BNS – soutenue par le Conseil fédéral- a opté pour une catégorie de la population. Celle des exportateurs fut privilégiée.

Ainsi elle a volontairement dénié au consommateur suisse une amélioration de son pouvoir d’achat. La BNS, de ce fait, a violé le devoir de neutralité exigée tant par sa mission que par la Constitution, et qui implique de ne pas pratiquer de favoritisme (1)…

Voici des chiffres impitoyables, car ne peuvant être changés pour arranger les décisions politiques:

Imports exports UE et zone euros 2013

Source: Administration fédérale des douanes (AFD) , année 2013

Selon les statistiques de l’AFD, en 2013, la balance commerciale pour les biens entre l’UE et la Suisse était excédentaire de près de 20 milliards de francs en faveur de l’UE! La manne helvétique est conséquente pour Bruxelles. D’ailleurs, celle-ci ne s’en cache pas. Elle reconnaît sur son site l’apport de la Suisse en tant que 4ème partenaire commercial! 20 milliards d’excédents – juste pour les biens! – ce n’est pas une paille…

Echanges de biens, services et investissements directs EU-Switzerland

Source: Switzerland – Trade picture, Commission européenne 

On voit sur cette image qu’à ces 20 milliards, il faut ajouter les excédents commerciaux en termes de services. Les statistiques offertes ci-dessus par Bruxelles révèlent que cela représenterait un excédent supplémentaire de 21 milliards d’euros – soit 25 milliards de francs – en sa faveur.

La balance commerciale de biens et services réunis présente ainsi le chiffre respectable de plus de 45 milliards de francs d’excédents en faveur de l’UE sur l’année 2013!

A ces chiffres mirobolants, s’ajoute un excédent d’investissements directs de l’UE (3ème partie du schéma ci-dessus). Ce sont près de 174 milliards d’excédents en termes d’investissements directs européens en Suisse! On ne peut s’empêcher de penser à l’explosion des projets immobiliers mais aussi de génie civil (infrastructure routière de toute sorte). Rappelons que grâce à la libre circulation des capitaux, tous les investisseurs européens peuvent venir en Suisse acquérir de l’immobilier, des entreprises, mais aussi financer – à travers des hedge funds – des cliniques privées, des promotions immobilières… Ils sont bien évidemment soutenus par les grands banques, qui offrent le financement de leurs projets.

Par conséquent, ce taux plancher avec l’euro qui est un soutien artificiel, empêche que les biens d’investissements helvétiques soient mis hors de portée de la recherche de rentabilité des conglomérats européens.  Cela  revient clairement  à subventionner ces consortiums européens qui viennent investir en Suisse. Ils paient ainsi leurs acquisitions bien moins cher qu’avec un franc suisse fort, flottant librement…

Le taux plancher est le plus grand privilège du moment offert à une catégorie d’individus (principalement des entreprises). Il est beaucoup plus conséquent et déterminant dans son ampleur et sa systématique que les forfaits fiscaux. Ce faisant la BNS pénalise le citoyen suisse dans sa consommation tant au niveau des biens que des services. Alors non, la politique monétaire de la BNS n’est pas favorable à l’intérêt général public mais à un intérêt particulier privé!

Liliane Held-Khawam

(1) Message du Conseil Fédéral en 2003 dans un contexte comparable. La proposition de taux préférentiel  moins coûteuse et moins contraignante pour le pays fut refusée. Dans son message le Cf relève notamment « (…) la BNS n’a pas pour tâche de subventionner certaines branches économiques. Si elle subventionnait aujourd’hui les entreprises exportant vers la zone dollar, elle devrait en faire autant demain pour les entreprises exportant vers d’autres zones. En d’autres termes, cette mesure remettrait en question l’indépendance financière de la BNS. Par ailleurs, un traitement préférentiel des exportateurs vers la zone dollar serait anticonstitutionnel, la politique monétaire devant être menée dans l’intérêt général de la population, et non pas en fonction des intérêts particuliers de certaines branches ou de certaines régions. Enfin, le Conseil fédéral souligne que le droit en vigueur oblige la BNS à redistribuer ses bénéfices à la Confédération (à hauteur de un tiers) et aux cantons (à hauteur de deux tiers) et qu’il n’est donc pas prévu de subventionner l’industrie d’exportation. (…) ». http://www.admin.ch/cp/f/3f604a25_1@presse1.admin.ch.html

A lire également:

« Switzerland on the other hand is a chronic net importer of goods and services from the EU and thus does not have the offsetting EU exports in sufficient quantity to compensate for the damage the peg inflicts on its domestic purchasing power.

Swiss trade deficits 1994 2013 physical market

Thus, the SNB “minimum exchange rate” policy impoverishes the domestic Swiss population by increasing the price of all EU imports purchased in Switzerland. This is perhaps the most egregious and certainly least publicized effect of the SNB action. Each time a Swiss resident purchases a good or service in Switzerland made in the EU, he or she is rendered poorer by the actions of his or her own national bank.

3 réflexions sur “La politique de la BNS au service des conglomérats européens – Par Liliane Held-Khawam

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